Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
AU PAYS DES KANGAROUS

« Je voulais vous faire cette surprise, juste là à vos pieds, monsieur Mayburn, s’écria Gérald. Voilà de l’adresse, ou je ne m’y connais pas.

— c’est plutôt de la chance, observa Hugues. N’importe mais quel est cet oiseau, cher père ?

— Je l’ignore. Cela ressemble à nos coucous d’Europe, mais c’est un géant de l’espèce. Serait-ce le faisan-coucou, dont parlent les livres d’histoire naturelle exotique ? Regardez là-bas, les plantes semblent agitées ce sont des oiseaux de la même espèce qui fuient devant nous. »

Ce gibier fin offrait une véritable tentation aux jeunes gens ; ils se mirent en chasse, et parvinrent en une demi-heure à abattre une demi-douzaine de ces faisans-coucous, provision suffisante pour les besoins de la famille.

Tout en chassant, les voyageurs s’étaient dirigés vers une colline au milieu de laquelle s’élevait un arbre de noix muscades dont les branches étaient couvertes de pigeons sauvages. Sous cet arbre on prépara le feu, tandis que l’on plumait les faisans pour les mettre à la broche. Gérald eût désiré abattre quelques-uns de ces pigeons, si confiants qu’ils n’avaient pas cessé de picorer les noix muscades ; mais tous les autres voyageurs furent d’avis que c’était une destruction inutile. Qui plus est, Jenny Wilson, quelque peu superstitieuse, déclara que la mort d’un pigeon blanc serait d’un fâcheux présage pour la bonne fin du voyage.

Bientôt les naufragés du Golden-Fairy comprirent que le séjour sous l’arbre à noix muscades était impossible, tant il y avait de mouches qui les tourmentaient outre mesure. Elles se trouvaient là par nuées, s’introduisaient dans la bouche, les yeux, le nez et les oreilles des voyageurs, et de leurs aiguillons pointus taquinaient et excitaient chacun d’eux au suprême degré.

Les jeunes gens déclarèrent que les mouches étaient cent fois pires que les moustiques. Arthur décida que, pour éviter ce supplice, on traverserait quelques-uns de ces ruisseaux qui se dirigeaient vers le sud, afin d’atteindre les montagnes qu’on apercevait à l’horizon.

En arrivant près des collines les plus rapprochées nos voyageurs furent désagréablement surpris en découvrant que ces élévations étaient presque à pic. Toutefois ils réussirent à les gravir, et, parvenus au sommet, ils virent se déployer devant eux un admirable paysage. La plaine était couverte d’arbres élevés ; une herbe drue, dans laquelle ils entraient jusqu’à mi-poitrine, couvrait le sol, et, de temps à autre, des roches couvertes de fleurs et de lianes verdoyantes offraient une diversion à la monotonie de la nature. Il y avait là des eucalyptus couverts de fleurs, des pandanus aux grappes odorantes et des choux-palmistes reliés entre eux par des guirlandes de plantes grimpantes.

Les voyageurs, qui se frayaient un passage à travers ces obstacles, arrivèrent enfin devant un rocher brisé dont la partie haute surplombait et offrait un abri contre la pluie et le soleil. Les jeunes gens s’empressèrent de nettoyer les abords en coupant les herbes ; puis ils mirent de côté ces herbages, qui devaient servir de lits : car depuis leur naufrage ils étaient privés de ce confortable, auquel ils étaient habitués.

« Nous aurions mieux fait de mettre le feu à cette herbe, à la mode des « coureurs des bois » observa Wilkins, cela donne bien moins de mal.