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VOYAGE

Tous les voyageurs admiraient en silence la beauté de ce paysage sublime, lorsque Ruth poussa une exclamation, en montrant du doigt une multitude d’oiseaux aquatiques, qui s’ébattaient dans l’eau, et promettaient d’excellents repas à tout le monde. La beauté du plumage de ces palmipèdes étonnait M. Mayburn, qui admirait les beautés de la nature partout où il les rencontrait.

L’exercice forcé de la remonte du courant d’eau à l’aide des rames avait accablé de fatigue les jeunes gens, qui s’empressèrent d’atterrir dans une ravine étroite, une sorte de torrent desséché qui lorsque la pluie tombait, devait être remplie d’eau. Au moment où les navigateurs pénétrèrent en cet endroit, il n’y avait plus, çà et là, que quelques flaques d’eau dans le creux des roches. Une végétation luxuriante encombrait presque ce vaste lit de torrent, qu’une ombre obscure couvrait ni entier ; si bien que l’eau ressemblait à d’immenses diamants épais sur le sol. Les cris des perroquets troublaient seuls cette solitude enchanteresse.

Les voyageurs, ayant solidement amarré leurs canots aux racines des mangliers, s’aventurèrent dans ce lit de torrent, à la recherche d’un tapis de gazon, sur lequel il leur serait possible de s’étendre pour dormir après avoir dîné. Tout on s’avançant, ils découvraient, à droite et à gauche, d’autres ravins également couverts d’une riche végétation. C’était là un vrai labyrinthe naturel, d’un aspect enchanteur, et qui inspirait à la fois une terreur irrésistible.

« Je m’étonne de ne pas trouver ici des indigènes, remarqua Marguerite. Ce pays doit être habité.

— Il l’est, en effet, répondit Wilkins, par des oiseaux et des animaux, mais non point par des hommes. Que feraient-ils ici, d’ailleurs ? c’est trop fourré, trop humide.

– Wilkins a raison, ajouta Arthur. Ces parages, très habitables pour la gent allée, écaillée ou hirsute, ne conviennent pas à l’homme. Qui nous dit qu’il n’y a pas ici des carnassiers dangereux ? Je propose donc de retourner sur nos pas, et de nous reposer, près de nos embarcations, à l’ombre des mangliers. »

Avant que cette proposition eût été faite, Jenny avait allumé son feu, et fait cuire son poisson dans l’écaille de la tortue. Par malheur, quand elle le servit, les fourmis vertes s’aventurèrent sur le plat : il fallut les écraser et les jeter, ce qui amusa fort les voyageurs, mais déplut particulièrement à la cuisinière.

Le repas terminé, les voyageurs reprirent courageusement leurs rames, et continuèrent leur route sur la rivière. Ils résistèrent longtemps à la fatigue, et ne s’arrêtèrent qu’au moment où ils parvinrent auprès d’un rivage sablonneux. Il y avait là une roche en forme d’escalier, le long de laquelle croissaient des arbres, et qui servit de lieu de débarquement.

Quoique harassés par l’exercice qu’ils s’étaient donné, les jeunes gens gravirent ces gradins naturels, afin d’examiner, du haut de cet escalier de géants, le pays qui les environnait.

Tout en montant ils découvraient, deci delà, des nids de canards, d’oies sauvages et de cygnes : un de ces nids contenait même des œufs d’un gros