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AU PAYS DES KANGAROUS

Hugues eut rejoint ses camarades d’excursion, Arthur lui expliqua que si ces végétaux n’étaient pas bons à manger, du moins leur destination providentielle était de servir de récipient pour transporter de l’eau.

Tout aussitôt Jack coupa le col de la gourde, et fit sortir de l’intérieur les graines et la pulpe desséchée qui les contenait. Quand cette opération eut été terminée, Arthur entoura la gourde d’une corde, et plaça ce seau d’un nouveau genre sur ses épaules, après l’avoir complètement rempli d’eau.

Sur leur route, en revenant au campement, Jack trouva un eucalyptus, autrement dit un gommier, qu’il dépouilla de son écorce ; puis il ramassa tout ce qu’il put de la gomme qui coulait de la blessure, et l’on retourna près de M. Mayburn et de sa fille, en hâtant le pas, de peur d’être surpris par la marée montante.

Max Mayburn fut enchanté de la découverte faite par son jeune fils ; il demanda qu’on le conduisît le lendemain dans les parages où croissaient les arbres à gourdes, persuadé que c’était là une essence inconnue en Europe.

« De toute façon, c’est une heureuse chance qu’ont eue mes frères et nos amis. Ils ont droit de prendre une large part du repas que nous leur avons préparé. Chacun d’eux recevra en outre une pomme de terre bouillie dans l’eau salée, au centre d’une coquille de moule. »

Ce dîner fut très goûté par les naufragés, qui déclarèrent que les tubercules avaient acquis un goût excellent dans l’eau salée. On fit une grande consommation d’huîtres, qui abondaient sur les rochers de la plage et même en amont de la rivière, comme l’annoncèrent les explorateurs.

Ce fut aussi avec un sentiment de vive reconnaissance que les neuf naufragés prièrent Dieu au moment de prendre du repos, et lui adressèrent des actions de grâces.

Au soleil levant, Jack se mit au travail. Il appliqua des pièces d’écorce sur les parties fendues ou ouvertes du canot, et les couvrit de gomme ; cela fait, il les exposa au soleil, afin qu’elles se séchassent complètement.

Il parvint ensuite, après de nombreux efforts, à couper avec son couteau des branches droites pour servir du gaffes. Il restait encore une rame échappée au naufrage ; à l’aide de bouts de bois rejetés sur la plage, le courageux ouvrier réussit à fabriquer trois autres rames.

Tandis que Jack était au travail, Hugues et Gérald se livraient à la recherche des œufs de tortue, dont ils rapportèrent une grande quantité, voire même une petite tortue. Cette trouvaille n’était pas grand’chose, car ni les uns ni les autres des naufragés n’aimaient la chair fade de ces ovipares ; mais il n’y avait pas à choisir en fait de victuaille, aussi la tortue fut-elle tuée et mise à cuire dans sa propre casserole.

« Voilà la gomme sèche, fit remarquer Arthur à la fin du repas ; m’est avis, cher père, que nous ne devons pas rester plus longtemps le long de ce rivage infesté par les moustiques ; dans une heure, la mer va monter : pourquoi ne nous mettrions-nous pas en route ?

— Soit, » répliqua Max Mayburn, qui joignit les mains, et pria le Ciel de bénir ses enfants et ses compagnons d’infortune.

Wilkins avait baissé la tête d’un air convaincu ; on voyait que ce pauvre