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VOYAGE

— Quant à moi, je n’ai plus que des débris de mes armes que j’ai ramassés sur la grève. Mais je compte sur toi, mon ami Jack pour les raccommoder et les remettre en état. Ah cher père, si j’avais eu mon arc, je t’eusse rapporté ce matin un splendide faucon à tête blanche.

— Cela m’eut fait grand plaisir, mon enfant, reprit le vieillard, car c’est un oiseau rare, au dire des naturalistes. Ce kakatoès est lui-même un admirable spécimen que je tiens à conserver, si cela peut se faire. Nous mangerons la chair lorsque je l’aurai écorché. »

On attendit, pour avoir de l’eau fraîche, que la marée fût basse, et comme le liquide était toujours saumâtre dans le lit de la rivière, les jeunes gens en remontèrent le courant à travers la forêt qui bordait les rives. Ils parvinrent enfin, à la distance de trois milles environ, jusqu’à une ravine exposée au nord, du haut de laquelle une cascade très limpide se jetait dans le lit du grand courant.

Les explorateurs furent unanimement d’avis qu’il fallait suivre ce ruisseau en remontant vers sa source. De grands blocs de rochers bordaient le lit de cet affluent, au fond duquel on voyait des cailloux blancs et une nombreuse famille de poissons.

« Quelle eau excellente ! s’écria Arthur. Ne dirait-on pas du champagne frappé ?

— C’est vrai, répondit Hugues. Ma foi ! ce paysage est ravissant. Il me semble que nous suivons une avenue à l’extrémité de laquelle se trouve un vieux château mauresque.

— Dans lequel demeure une belle princesse, renfermée dans une tour d’acier à la porte de laquelle veille un enchanteur noir, la tête appuyée sur un dragon rouge. Tous les quatre nous accourons au secours de la prisonnière, armés d’un fusil, et n’ayant pour munitions qu’une douzaine de cartouches.

— Hélas ! cela ne suffira pas pour mettre à malemort un enchanteur et un dragon, répliqua Hugues. Si les fées ne nous portent pas dans leur cœur, il nous faudra employer tout ce que nous avons de valeur, de prudence et d’énergie pour réussir. D’ailleurs, c’est Arthur, qui, avec son air tranquille, va être le héros de l’aventure.

— Nous ferons plus tard le siège du château enchanté, répondit celui-ci. Contentons-nous de rapporter triomphalement à la maison une provision d’eau fraîche pour les pauvres altérés. Hé ! Hugues, cria-t-il à son frère, que fais-tu donc là, grimpé sur cette roche pointue ?

— Il est allé s’assurer si cet arbre n’était pas un chou-palmiste, observa Gérald. Quant à moi, je préférerais un pommier couvert de beaux fruits.

— Mais il n’y a point de pommier en Australie, répondit Arthur, ni rien qui ressemble à cet arbre-là. Par contre, les choux-palmistes sont excellents mais je ne crois pas que mon frère ait découvert un de ces végétaux aériens.

— Attention, là-bas ! fit alors Hugues du haut de la roche. Gare à vous ! »

Tout aussitôt une énorme gourde vint tomber au pied d’Arthur et des deux autres jeunes gens. Ce cucurbitacé n’était pas fraîchement cueilli, il avait même longtemps séjourné sur le sol, au point d’être sec ; mais quand