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VOYAGE

nous allons passer du côté de la terre, sautez dans l’eau, tenez bien la corde, et nous parviendrons en dedans du ressac. »

Ce qui fut dit fut fait ; la manœuvre conseillée par Wilkins fut suivie de point en point ; si bien qu’à un moment donné le canot, traîné par Arthur et son père, qui se joignit à lui résista au retour de la vague, et, avant qu’une autre masse d’eau fût venue le reprendre, les naufragés purent le traîner sur le sable, où il échoua.

Jacques et O’Brien, montés dans l’autre esquif, réussirent de la même façon, avec cette différence que leur « coquille » fut renversée, et que Ruth, qui se trouvait dedans, s’évanouit de peur ; mais elle n’oublia pas de se cramponner au panier contenant ses poules. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, ce fut pour pleurer la perte de deux de ses oiseaux qui avaient été noyés.

Dans le but de sauver Ruth Jack et Gérald avaient lâché la corde du canot, qui se trouva entraîné au milieu des brisants ; mais Wilkins et Arthur vinrent en aide aux deux jeunes gens ils ressaisirent la corde et ramenèrent le canot prendre sa place à côté de l’autre.

« J’espère, mes amis, dit alors Max Mayburn, que nous ne nous aventurerons plus sur l’Océan dans des barques aussi peu solides. Dieu merci ! nous voici parvenus sains et saufs sur la terre ferme, et rien ne nous obligera de reprendre la mer.

— Ce n’est cependant point ici que nous fixerons notre séjour, fit Arthur. Si j’ai voulu sauver nos canots, c’est dans le ferme désir de vous épargner des fatigues pour pénétrer au cœur du pays où nous sommes. Vous voyez cette rivière près de nous ; en remontant son courant, nous arriverons au milieu de l’Australie.

— Ne craignez-vous pas de rencontrer les indigènes ? observa Wilkins ; car ces sauvages connaissent aussi bien que nous les avantages du voisinage des courants d’eau douce.

— J’en conviens, mais nous verrons alors ce qu’il y aura à faire. Pour le moment, nous n’avons rien pour apaiser notre faim.

– Vous oubliez, cher ami, les poules grasses de Ruth, répliqua O’Brien.

– Ah ! monsieur Gérald, s’écria la pauvre fille, auriez-vous le courage de dévorer ces gentilles créatures du bon Dieu ? Quant à moi, je mourrais plutôt que de toucher à un de leurs membres, fût-il même assaisonné en pâté avec du jambon.

— Ma chère Ruth, il n’est pas question de vos poules vivantes ; celles-là nous les protégeons, mais nous allons plumer et manger les deux qui sont mortes étouffées par l’eau de mer. »

Les naufragés du Golden-Fairy avaient pris terre au nord de l’embouchure d’une rivière très large, le long de laquelle ils s’avancèrent avec précaution car les rives étaient encaissées entre de hautes falaises, au pied desquelles une sorte de sentier serpentait à travers des roches moussues.

Enfin on songea à faire halte, et l’on choisit pour cela une grotte devant laquelle retombait un rideau de plantes grimpantes, qu’on eût dit placées là comme pour les garantir des atteintes du soleil. De larges dalles semblaient disposées en cet endroit comme pour servir de sièges, et les voyageurs y prirent place pour goûter un repas préparé par Jenny Wilson.