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VOYAGE

étaient incomplets, et il promit de les achever pendant l’absence des trois explorateurs.

Quelle que fût la prudence d’Arthur, quelque confiance que l’on eut dans la vigilance et le courage de Jack et de Wilkins, on ne se sépara pas sans anxiété de part et d’autre. Les trois jeunes gens se dirigèrent en ligne directe à travers la plaine aride, convaincus qu’aucun danger ne les menaçait dans ces parages dénudés où l’ennemi n’eût pu se cacher, eu égard à l’absence complète d’herbes et de broussailles. Le terrain était couvert d’un gazon court, croissant avec difficulté dans le sable, et l’on ne trouvait nulle part la moindre apparence de source.

Il était heureux que les voyageurs eussent apporté une provision du précieux liquide qui devait durer longtemps encore. Après avoir cheminé avec son frère et Gérald, Arthur fut convaincu que ce serait folie d’entreprendre un voyage sur ce point inhospitalier du continent australien, où le moindre danger dont ils fussent menacés était de mourir de faim.

« Nous recourrons encore à nos embarcations, mes amis, dit-il à ses compagnons.

— J’aime mieux cela, répliqua Gérald, quoique le métier de rameur soit très fatigant. Par malheur, on ne peut employer la voile.

— Nous essayerons pourtant, si le vent le permet. Retournons au camp, nous tâcherons de dormir, si les moustiques nous le permettent, et dès demain matin nous remonterons à bord de notre flottille. Il est impossible que nous ne trouvions pas un rivage plus agréable à habiter que celui-ci. Halte ! qu’est-ce que ceci ? s’écria tout à coup Arthur, en désignant une sorte d’élévation que l’on apercevait sur la droite.

— En effet, ceci ressemble fort à une habitation humaine on dirait une pyramide d’Egypte en miniature.

— Je ne pense pas que la main des hommes ait rien fait dans tout ceci. Je crois plutôt que nous avons devant les yeux une des merveilles de l’industrie de quelques familles d’insectes. Ah ! j’y suis ; c’est une fourmilière. Quelle habileté, quel instinct inventif il a fallu pour élever cette petite montagne servant d’asile à un peuple innombrable de myrmidons ! Regardez cette terre battue ; elle est si dure, grâce aux rayons du soleil, qu’il faudrait une pioche pour l’entamer.

— Mais je ne vois aucune issue, objecta Hugues. Ce nid de fourmis est peut-être inhabité.

— Regardez par ici, là, tout au bas ; il y a une sentinelle à la porte. N’est-il pas curieux de voir d’aussi petits insectes, les plus infimes de l’espèce, se bâtir une demeure de géants ? La fourmilière que voici doit avoir au moins huit pieds de hauteur. J’ai entendu dire que si l’extérieur de ces constructions était bizarre, l’intérieur était bien des plus curieux. Ouvrons donc cette fourmilière, de façon à pouvoir raconter de visu ce que nous savons de cette merveilleuse pyramide.

— Non, mon ami, non nous n’en ferons rien ; ce serait une mauvaise action que de détruire l’œuvre de milliers d’individus.

– Marguerite se moquera de nous, et nous demandera pourquoi nous ne lui avons pas même rapporté un œuf. Soit Gérald et moi nous t’obéissons,