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AU PAYS DES KANGAROUS

créé à l’image de Dieu n’est créé avec un esprit pervers, destiné à la perdition : la porte du salut est toujours ouverte à qui veut la franchir. Adressons au Ciel une prière pour que Black Peter trouve l’entrée, de cette porte du paradis. Je voudrais être à même, par mes efforts, d’amener au bien cette âme de pécheur.

— Je demande à Dieu, moi, qu’il ne vous mette jamais sur le chemin de ce misérable ; car j’aurais peur pour votre vie. Croyez-moi, monsieur Mayburn, je connais mon coquin, et je sais ce dont il est capable. »

Wilkins était d’avis que rien au monde ne rendrait son ex-camarade de geôle capable d’un bon sentiment.

Marguerite, parlant à voix basse à son père, lui conseilla de garder ses bonnes paroles pour Wilkins, qui valait mieux que Black Peter.

Jack s’était mis au travail pour construire le canot d’écorce. Il le façonna sur quatorze pieds de long, et d’une largeur telle, que deux personnes pussent s’asseoir dans le fond. Quant aux bancs, il n’osa pas en placer de peur de l’écartement. Les deux pointes furent fixées à l’aide des liens filamenteux fournis par un arbre dont les fibres semblèrent plus favorables à cet usage que les cordes sauvées du navire naufragé.

En deux jours Jack termina le canot, et la gomme qu’il avait étendue sur les parois se trouva sèche. Il façonna des pagaies et des rames et, quand tout cela fut prêt, il se montra très désireux de lancer au plus tôt la frêle embarcation, afin de s’assurer qu’elle naviguait.

Par malheur, ce canot ne pouvait emporter tous les naufragés et leurs provisions ; il fut donc décidé qu’on en construirait un autre. À cet effet, on se procura une autre grande écorce d’eucalyptus. En se rendant dans les bois pour la couper, les jeunes gens passèrent sur la plage, et purent s’assurer que les sauvages n’étaient pas revenus. Tout était tranquille, et rien ne semblait devoir troubler cette quiétude.

Avant d’entreprendre la seconde embarcation, les jeunes gens mirent la première à l’eau, en ayant soin de la porter de l’autre côté des récifs avant d’y monter. Wilkins voulait tenter seul l’aventure ; mais Jack s’obstina à le suivre, afin de voir les défauts de construction, s’il y en avait, et de les corriger aussitôt.

L’œuvre de Jack flottait admirablement ; elle obéissait parfaitement à la rame et chacun fit des compliments au courageux travailleur. On porta cette embarcation dans l’intérieur de la grotte, puis on songea à commencer la seconde.

« Si nous réussissons aussi bien, observa Jack, nous n’aurons plus à redouter que la tempête ou qu’une charge trop forte nous fasse chavirer. Voyons ! monsieur Arthur, il y aura quatre personnes dans le premier canot et cinq dans le second ce sera bien.

— Sans compter qu’il faut ajouter à ce poids celui de nos vêtements du fusil, des couteaux, de la hache, de nos ustensiles de cuisine et de table, et des provisions indispensables. Comment allez-vous caser tout cela ? » observa Marguerite.

Jack et ceux qui l’aidaient gardèrent le silence. En effet, le poids de ces objets allait accroître sensiblement celui des cinq passagers.