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AU PAYS DES KANGAROUS

avec moi quand j’en ferai l’essai, me contentant de ramer autour de notre petite baie. Si je réussis, alors nous partirons. Cette fois, je n’ai plus la moindre appréhension, à moins que vous ne chargiez encore trop le frêle esquif. Allons ! je vais de ce pas choisir un arbre.

— Pas avant d’avoir pris votre repas, mon cher ami, observa Jenny Wilson. J’ajouterai même que si vous alliez dormir une ou deux heures, cela n’en vaudrait que mieux après une baignade forcée. Tenez, voici une bonne portion de canard rôti qui n’eût pas déparé la table d’un lord si j’eusse eu les condiments nécessaires pour mieux l’assaisonner. »

Jack se rendit aux bons raisonnements de la vieille femme ; il mangea de bon appétit, et passa l’après-midi à dessiner des modèles de canots, de chaloupes et de catimarons.

Le lendemain matin, laissant Wilkins encore brisé de fatigue et en proie à des sortes de terreurs produites par l’ébranlement qu’il avait, subi, aux soins généreux de miss Marguerite et de son père, Jack s’éloigna, suivi d’Arthur, de son frère et de Gérald, afin de trouver un arbre assez fort et assez long pour l’usage qu’il voulait en faire.

« Après tout, dit le jeune charpentier à Arthur, si je ne réussis pas cette fois encore, nous recourrons aux catimarons. Voici, près du camp, des arbres qui nous serviront à les confectionner. Je crains seulement que votre père et miss Marguerite n’osent point s’aventurer sur de pareilles embarcations. Ah ! voici un grand arbre. Il s’agit d’en enlever l’écorce avec le plus grand soin. »

L’arbre désigné par Jack appartenait à l’essence des eucalyptus, – sorte de gommier, — et l’écorce qui le recouvrait était rude et forte : il paraissait facile de le dépouiller. Arthur commença par faire une grande entaille au pied du géant de la forêt tout autour du tronc et pratiqua ensuite une fente perpendiculaire aussi haut qu’il put atteindre en s’élevant sur les épaules de Jack ; il parvint à douze pieds, et procéda à une seconde incision circulaire.

Hugues et Gérald se tenaient autour de l’arbre, afin de recevoir l’écorce qu’Arthur détachait avec soin, et qui, en effet, à leur plus grande joie, tomba dans leurs bras sans être aucunement endommagée dans sa chute.

Jack voulait que l’on transportât aussitôt cette écorce au campement mais, les Mayburn ayant manifesté l’intention d’aller visiter l’endroit où ils avaient d’abord débarqué sur l’île, on se dirigea de ce côté.

Hugues et Gérald avaient pris les devants ; mais bientôt Arthur et Jack les virent revenir courant et le visage consterné.

« Oh ! grand Dieu ! s’écrièrent-ils, les sauvages ! là ! là, et nous n’avons aucune arme pour nous défendre !

— En effet, répondit Arthur. Sont-ils nombreux ? Nous ne pouvons pas songer au combat. Que faire ? Ah ! mes amis, rendez-vous immédiatement près de mon père, en ayant soin d’emporter la grande écorce avec vous pendant ce temps-là, Jack et moi nous irons en reconnaissance. »

Sans perdre un instant, les deux jeunes gens, rampant sur le bord de la falaise, parvinrent à un endroit d’où ils distinguèrent un groupe de naturels entourant un objet informe échoué sur la plage, lequel semblait exciter leur curiosité.