Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
VOYAGE

moment, ils aperçurent de nouveau Wilkins qui flottait sur le dos, comme, l’eût fait un cadavre. En deux brassées Jack parvint près du convict, le saisit par les cheveux et l’entraîna vers la terre.

Hugues comprit alors que leur ami ne pourrait pas résister à la tâche qu’il entreprenait ; il se hâta donc de se dévêtir et de se jeter à l’eau pour aider à la délivrance de Wilkins. Le brave garçon avait eu une heureuse inspiration, car, en effet, Jack n’en pouvait plus, et il avait besoin d’aide pour accomplir ce sauvetage. Quand les deux jeunes gens ramenèrent leur fardeau sur le sable, on eût pu croire que Wilkins avait perdu la vie.

Gérald se précipita au milieu du bois, appela Marguerite et Jenny au secours des deux noyés, et quand les deux femmes arrivèrent près d’eux, ils rouvraient les yeux. À peine Wilkins fut-il revenu à lui, qu’il adressa un regard anxieux à ceux qui l’entouraient et dit d’une voix tremblante :

« Mon Dieu ! quelle terrible chose que de mourir en état de péché !

— Quelle joie je ressens de vous entendre parler de la sorte, mon pauvre Wilkins répondit Marguerite. Maintenant que vous voilà hors de danger, hâtez-vous de remercier Celui qui a daigné vous donner le temps de vous repentir afin d’entrer dans une nouvelle vie. Faites votre prière à haute voix ; nous sommes vos amis, et nous unirons nos actions de grâces aux vôtres. »

Ce que désirait la jeune fille, Wilkins le fit, et l’on vit sur cette plage déserte toutes ces personnes agenouillées, les mains jointes, adressant à Dieu une oraison qui partait du fond du cœur. Pour la première fois le convict s’adressait au Seigneur, et ce fut avec conviction qu’il s’écria :

« Ainsi soit-il ! »

Afin de ne point laisser Max Mayburn dans l’anxiété, tout le monde se hâta de retourner au camp aussitôt que les deux naufragés purent suivre leurs amis.

Tout en cheminant, Arthur raconta à ses amis qu’à peine l’embarcation arrivée en pleine mer il avait compris qu’il y avait un défaut dans la construction. Wilkins et lui s’étaient hâtés de virer de bord pour regagner le rivage ; mais, quelques instants après, le bateau avait coulé sous leurs pieds.

C’est ainsi que tous les efforts de Jack avaient été détruits en quelques secondes, et que les espérances de délivrance étaient perdues.

Tous les malheureux naufragés se montraient vivement affectés ; mais Jack, quoique très mortifié par son insuccès, fut le premier à relever la tête, et il déclara qu’il allait tenter une autre expérience.

« Il nous reste, dit-il, assez de matériaux, et puis il n’y a pas si loin d’ici à la terre ferme. Laissez-moi faire, messieurs Mayburn : je vais construire deux canots en écorce qui nous porteront tous. L’important, c’est de nous trouver de l’autre côté des récifs, car alors nous pourrions ramer sans danger.

— Mon brave garçon, répondit Max Mayburn, je suis très ignorant en matière de construction navale, mais tu dois convenir que ton premier essai n’a pas été heureux ! N’importe, j’admire ta persévérance, et je suis certain que tu réussiras. Mets-toi donc encore à l’œuvre ; mais crois-moi quand un de tes canots sera achevé, porte-le sur le lac ; en cas d’accident, tu ne courrais du moins aucun risque.

— Je vais fabriquer une embarcation, mais je n’emmènerai personne