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AU PAYS DES KANGAROUS

marée basse. Il va sans dire que l’ennemi se trouverait dans l’impossibilité d’approcher lorsque la mer serait en son plein.

— Nous aurions là une triste demeure, mon cher camarade, répliqua Hugues, et l’on ne pourrait y exister bien longtemps. En somme, sous cette latitude aux saisons tempérées, nous n’avons pas besoin d’autre abri que celui d’une tente ; nous laisserons donc cette caverne inhabitée, à moins qu’un péril ne nous menace. N’importe, il faut conduire ici mon frère Arthur : il sera peut-être d’avis de faire de cet endroit notre cave aux provisions. »

Arthur, en effet, félicita Gérald et Hugues de la découverte qu’ils avaient faite, et Max Mayburn se montra très satisfait en apprenant qu’il pourrait, au besoin, se réfugier en cet endroit. Marguerite fut d’avis que l’on fit la cuisine en ce souterrain, de façon que la fumée de leur feu ne pût être aperçue par les sauvages habitants de ce pays.

Jenny Wilson, en effet, établit « ses fourneaux » dans la grotte, et y prépara un excellent repas, composé de poissons et de pommes de terre bouillies dans la carapace de la tortue.

Et tandis que la vieille bonne fonctionnait en vrai « cordon bleu », Ruth faisait le gué afin d’avertir Jenny du retour de la marée.

Jack avait fait une visite minutieuse aux deux épaves du navire ; il trouva dans l’entrepont, encore intact, un banc et une table en parfait état, et ensuite un tonneau vide qui avait contenu de l’eau-de-vie et pouvait servir de réservoir d’eau. Il déclara enfin qu’à l’aide des bois de la carcasse du vaisseau, il se chargeait, avec l’assistance de Wilkins, de construire une embarcation solide et pouvant tenir la mer.

Wilkins fit bien quelques observations quand on lui parla de travailler ; mais Max Mayburn, qui avait acquis une certaine autorité sur le convict, lui fit comprendre qu’il était de son devoir de se rendre utile et Marguerite comprit qu’il acceptait ces conseils avec humilité, ce qui prouvait que cette âme pervertie revenait au bien et qu’il y avait espoir de le convertir tout à fait.

Le jour suivant, Jack parvint à fabriquer deux sortes de pelles, en fixant deux grandes coquilles à des manches de bois, à l’aide de plantes textiles et de gomme. Tandis que ces instruments primitifs se séchaient au soleil, il songea à polir la hache qu’il avait trouvée couverte de rouille. En frottant le fer contre des pierres meulières il parvint à le rendre aussi brillant que s’il fût sorti de la boutique d’un marchand. Il lui fut alors possible de procéder à la démolition de l’épave, et de faire ainsi un choix dans les planches et les autres morceaux de bois ; il mit de côté les clous en état de servir ; aussi en quelques jours il eut devant lui assez de matériaux pour pouvoir entreprendre son grand travail.

Mais, avant toutes choses, Jack s’était empressé de creuser le bassin, grâce à l’aide des Mayburn et d’O’Brien. Les uns et les autres se rendaient chaque jour au grand lac pour s’y procurer des poissons, du gibier et des œufs, provisions indispensables pour l’entretien de la petite colonie, et, le reste de la journée, ils creusaient le bassin de la source. En une semaine, on eut pu voir devant ce filet d’eau une mare très vaste, remplie au fur et à mesure de