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AU PAYS DES KANGAROUS

promontoire qui l’abritait n’était-il pas une sorte de barrière ? Une fois en cet endroit, les naufragés ne seraient plus exposés comme ils l’étaient sur le rocher où se trouvait le campement actuel, comme ils pourraient l’être dans l’intérieur des terres.

Max Mayburn, en excellent agriculteur, eût bien désiré trouver à mettre en œuvre sa science sur des terres de valeur ; mais ses fils lui firent comprendre qu’il fallait renoncer à coloniser, pour le moment du moins. « Il nous faut, avant tout, quitter cette île déserte, lui dirent-ils, et une fois installés sur la plage que nous avons découverte, il nous sera plus facile d’apercevoir un navire de passage.

– Je crains bien que cette chance ne nous arrive pas ; on ne voit pas souvent des vaisseaux au milieu des récifs, objecta Wilkins, à moins que la tempête ne les y pousse. Je ne crois donc pas que nous puissions compter sur ces moyens pour quitter ces côtes inconnues.

— N’importe, nous pourrons construire une embarcation avec les bois de l’épave naufragée, objecta Jack.

— Ah ! voilà une meilleure idée, répliqua le convict. C’est bien ! une fois le bateau mis à flot, de quel côté ferons-nous voile ?

— Vous savez bien, mon garçon qu’il faut que je me rende aux grandes Indes, répondit Max Mayburn.

– Il faut ! il faut ! répliqua le convict ; vous croyez donc que vous pourrez traverser les mers dans une coquille de noix que nous construirons ici et que nous lancerons à la mer ? Écoutez-moi Monsieur je suis prêt à vous servir, disposé à vous défendre et à donner ma vie pour vous ; mais je n’entends pas retourner à Sydney pour être remis aux fers avec les autres.

– Ne craignez rien, mon pauvre garçon, fit l’ainé des Mayburn nous ne retournerons jamais à Sydney ; d’ailleurs, nous ne vous abandonnerions point, et nous ne permettrions pas qu’il arrivât malheur à un homme qui s’est dévoué comme vous l’avez fait pour nous. Voyons ! mon cher père, continua Arthur, ne songez plus à votre voyage aux grandes Indes. Nous voici tous morts au monde dans le Golden-Fairy ; nous n’avons plus rien à faire là-bas. Résignons-nous seulement à la situation que nous a imposée la Providence, et attendons ce qu’elle décidera.

– Dieu nous distribuera notre tâche, ajouta Marguerite ; ne nous décourageons pas.

— En effet, chère enfant, fit Max Mayburn, tu me traces ma conduite future. Je vais continuer mes études d’histoire naturelle en admirant les merveilles de ce pays.

— C’est cela, cher père, et vous serez notre égide, notre vigilant gardien, tandis que nous nous chargerons du travail manuel.

— C’est convenu ; Dieu me soutiendra dans cette tâche, la seule que je puisse remplir, car le chagrin qui dévorait mon cœur sur le sol natal ne m’a point encore abandonné.

– N’avez-vous pas vos enfants pour vous consoler ? fit Marguerite.

– C’est encore vrai !

– Comptez sur votre fils Hugues et sur moi pour vous aider dans vos recherches ornithologiques et minéralogiques, ajouta Gérald.