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AU PAYS DES KANGAROUS

« Que devons-nous penser de ceci ? demanda Arthur à ses amis.

— Un des hommes du navire naufragé est peut-être encore dans ces parages, répliqua Hugues.

— Alors c’est lui probablement qui aura dépecé la tortue, » ajouta Arthur en reprenant courage.

En avançant encore sur la plage, la pensée des amis changea de cours, lorsqu’ils découvrirent sur le sable des marques irrécusables de pieds nus ; les traces d’un feu récemment éteint, la tête de la tortue saignant encore, une épine durcie au foyer, et enfin une sorte de javeline barbelée, qui, lancée d’une main sûre, devait être une arme terrible.

« Emportons ces armes avec nous fit Hugues.

— N’en faisons rien, au contraire. Quels que soient les hommes à qui ces objets appartiennent, nous devons les laisser : il ne faut rien voler, afin de ne pas nous créer des ennemis. Ce que nous avons de mieux à faire, c’est d’effacer les traces de notre passage en ces lieux, et de décamper au plus vite.

— Fuir ! s’écria O’Brien ; mais Marguerite nous traiterait de poltrons.

— Nous ferons en sorte de ne pas mériter cette qualification de la part de ma sœur, répliqua Arthur. Je vous le répète, il ne faut pas laisser ici la moindre trace de nos pas. »

Ce qui fut dit fut fait. Mais il n’y avait pas grand’chose à inventer pour arriver à ce but. En mettant les pieds sur les pierres, on ne pouvait deviner qu’un être humain avait suivi le chemin par où les explorateurs s’avançaient. Arthur servait de guide à son frère et à Gérald ; il les conduisit tous deux à travers bois avec une rare sagacité ; si bien qu’après une heure de marche les trois jeunes gens apercevaient le campement du rocher et se trouvaient bien près des autres naufragés.

« Mon avis, dit alors l’aîné des Mayburn, est que nous sommes dans une île habitée. Les hommes dont nous avons découvert les traces se rendent quelquefois de leurs plantations à la côte pour procéder à la pêche des tortues.

— Tu crois donc qu’ils demeurent au milieu des terres ? demanda Hugues à son frère. Qui sait si nous ne sommes pas ici sur les côtes de l’Australie ?

— Je ne le pense pas mais pourtant cela pourrait être. Tout au moins cette île ne doit pas en être à une trop grande distance. N’importe, l’essentiel est de ne pas nous rencontrer avec les sauvages.

— Il serait bien désirable de se procurer une embarcation, murmura O’Brien tout en pressant le pas. Qui sait si Jack ne pourrait pas réussir dans ce genre de construction ?

— Par malheur nous n’avons pas d’instruments pour ce travail, et notre temps est précieux. Pour le moment, songeons moins à une embarcation qu’aux moyens de nous tirer d’embarras. Je ne pense pas que des naturels aient trouvé l’épave du navire naufragé ; je propose donc de transporter notre camp dans cette anse privilégiée.

— Ce sera charmant, observa Gerald en frappant des mains ; déménageons au plus tôt.

— Auparavant nous tiendrons conseil, répliqua Arthur. On ne doit pas