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VOYAGE

fus, jusqu’à l’entrée d’une forêt formée par des arbres très élevés, sur la pente de laquelle ils aperçurent une baie étroite, pareille à celle où ils avaient abordé avec leur radeau.

Un promontoire s’avançait jusqu’à une certaine distance dans la mer, appuyé de l’autre côté sur les bords de la forêt. La marée était basse quand les jeunes gens arrivèrent en cet endroit il leur fut donc facile de faire le tour de ce cap et de parvenir de l’autre côté, où se trouvaient d’énormes quartiers de roches au milieu desquelles, à leur grand étonnement, les explorateurs découvrirent la carcasse d’un énorme navire séparé en deux : l’arrière à droite, l’avant à gauche.

Cette vue alarma d’abord les Mayburn et Gérald O’Brien ; mais ils s’avancèrent résolument vers l’épave.

« Qui sait s’il y a là quelque être vivant ? se demandaient-ils.

– C’est impossible, répondit Hugues : le naufrage date de loin ; regardez la chaîne est toute couverte de rouille. »

Les vagues se brisaient contre les rochers et rendaient l’abordage de l’épave assez difficile, et même fort dangereux ; mais les jeunes gens purent se convaincre que le navire jeté sur les rochers avait été brisé par la force des vagues. Il ne restait plus de cette vaste construction que des planches, des mâts, des débris informes, auxquels personne n’avait touché depuis nombre de mois. La partie supérieure de la poupe et de la coque du bâtiment jusqu’au mât de misaine se trouvait intacte jusqu’aux sabords ; mais les jeunes gens ne trouvèrent pas un cadavre, et surtout aucune embarcation.

Arthur fut d’avis que l’équipage avait réussi à se sauver, en emportant tous les objets qui leur étaient nécessaires.

Il n’y avait donc là que du bois à prendre ; toutefois, au pied du mât de misaine, Gérald aperçut une hache, qui, quoique rouillée, devint pour lui une vraie trouvaille.

« Allons ! dit Arthur, rentrons au camp. Notre père et Marguerite seraient alarmés s’ils ne nous voyaient pas revenir. Demain nous retournerons ici faire des recherches au milieu de l’épave. Les matelots naufragés, ou bien les vagues, ont probablement tout emporté ; n’importe, les vergues et les chaînes pourront nous être utiles.

— Je voudrais bien, dit Gérald en soupirant, trouver quelque chose à manger.

— M’est avis que la mer a dévoré toutes les provisions, fit Hugues. Regardez, mes amis, il n’y a pas même un tonneau vide dont nous puissions faire usage. Bonté divine ! nous nous sommes trop attardés ; déjà la marée monte, et elle nous a coupé tout moyen de retraite. Nous voilà forcés de rester ici.

— Non pas ! regardez là-bas, à l’arrière, répliqua Arthur ; la mer n’a point atteint cette roche, et nous pourrons passer en nous hâtant. »

En effet, les explorateurs abandonnèrent au plus vite l’épave, et s’élancèrent au milieu du chaos de rochers et de pierres qui faisait obstacle aux vagues. Il leur fallut une grande énergie pour ne pas perdre courage. Ils touchaient enfin sur la rive, quand tous les trois poussèrent un cri en découvrant devant eux l’écaille d’une tortue dont la chair n’avait certainement pas été arrachée sans l’aide d’une main humaine.