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VOYAGE

avaient réussi à sauver une assez grande quantité de ce produit chinois, et un certain nombre de pains de sucre.

« Peter, dit Arthur au bandit, venez prendre votre part du déjeuner commun. Que faites-vous là, et pourquoi ramassez-vous ces épaves ?

— Que vous importe ! ces débris sont à moi, puisque la mer les a jetés là : c’est la loi des naufragés. Ne vous inquiétez pas de mes actions. Merci de votre déjeuner ; je l’accepte, faute de mieux, à moins que je ne trouve quelque chose de meilleur. »

Cette réponse n’était pas encourageante cet homme n’avait pas de cœur ; aussi Arthur et Jack retournèrent-ils près de leurs camarades d’infortune en se disant que Black Peter était décidément incorrigible.

Ruth avait encore commis une énorme maladresse : la pauvre enfant avait trépigné au milieu de la vaisselle, rapportée avec tant de soins par Jenny Wilson du navire incendié. Seule la théière, en compagnie de deux tasses, avait échappé au massacre.

O’Brien, en véritable Irlandais, n’avait pu s’empêcher de rire aux éclats, en présence de la stupéfaction de la malheureuse Ruth ; mais Jenny Wilson eut un violent accès de colère.

« Jamais on ne fera rien qui vaille de cette maudite enfant, s’écria-t-elle. On aurait dû la tenir enfermée dans une maison de correction. Partout où elle va, elle apporte la malchance ! Nous voilà forcés de boire notre thé les uns après les autres.

— Au moins le thé nous reste, ma brave Wilson, observa Marguerite tout n’est pas perdu. D’ailleurs, voici une tasse de fer-blanc, ce qui augmente le nombre de nos vases à boire.

— Qui sait, observa également Hugues, si nous ne trouverons pas sur notre route un magasin de faïence pour y renouveler notre ménage ? Ne sommes-nous pas à peu de distance de la Chine, pays de la belle porcelaine ?

— C’est possible, cher Monsieur, repiqua Jenny Wilson, vous vous connaissez mieux que moi en géographie ; mais je ne pense pas qu’il y ait ici près des tasses et des soucoupes. Allons, ne vous gênez pas, » fit-elle aussitôt en voyant Black Peter, qui s’était rapproché, et avalait, sans crier gare, la tasse de thé que Jenny Wilson venait de préparer pour elle-même.

Le convict, cela fait, avait tiré son couteau de sa poche, et s’occupait à ouvrir des huîtres qu’il avait rapportées dans son chapeau et les gobait l’une après l’autre.

« Part à tous fit Wilkins d’un ton joyeux en tendant la main.

– Arrière ! si vous aimez les huîtres, allez en chercher vous-mêmes, » répliqua le bandit, qui continua à manger les mollusques.

Sans répondre un mot à ce trait d’égoïsme, Wilkins, suivi d’O’Brien, s’en alla chercher au milieu des roches.

Marguerite éprouvait un certain effroi en voyant Gérald seul avec l’autre convict ; mais Arthur s’empressa de la rassurer, en lui affirmant qu’il n’y avait rien à craindre de Wilkins.

Peu d’instants après, Gérald revint en courant près des naufragés ; et, jetant par terre quelques douzaines d’huîtres qu’il avait cueillies sur les roches, il s’écria