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VOYAGE

Jack enroula la corde autour de lui, et se disposa à nager vers le rocher.

Il s’agissait de savoir qui s’aventurerait le premier sur le frêle catimaron. L’eau semblait être très profonde, et on craignait le danger. On songea alors à envoyer quelques paquets de provisions et des objets de sauvetage que l’on pouvait risquer, quoiqu’il eût été bien douloureux de perdre ces divers articles. Les naufragés lièrent donc tout cela avec de grands soins, et suivirent des yeux ce chargement jusqu’à l’endroit où Jack se trouvait, et où il se hâtait de recevoir chaque chose pour la placer en lieu sûr. Le catimaron fut alors ramené jusqu’au radeau, et Marguerite tenta le passage pour rassurer son père ; ses frères l’avaient solidement attachée, et lui avaient recommandé d’être calme et de se tenir immobile.

Rassuré par cet exemple, Max Mayburn suivit sa fille, et après lui Jenny Wilson. Lorsque le tour de Ruth arriva, elle voulut emporter la cage pleine de poules ; mais on l’empêcha d’en rien faire, et ce fut très heureux ; car, au milieu du passage, la malheureuse enfant, ayant voulu changer de position, fit rouler le catimaron sur lui-même ; ce qui força Wilkins et Arthur de se jeter de nouveau à l’eau pour la repêcher. Quand elle eut été remise entre les mains de Jenny Wilson, toute mouillée, rendant eau salée par la bouche, et à moitié morte de peur, les jeunes gens retournèrent au radeau, afin de rapporter sur le rocher les provisions, l’eau la poudre et les munitions, et enfin les deux fusils, dont ils comptaient se servir au besoin pour leur défense, mais particulièrement pour pourvoir à leur subsistance quotidienne.

À ce moment-là, Black Peter, qui était revenu sur le radeau, se précipita sur Hugues, et voulut s’emparer de l’un des fusils. Le féroce convict tenait le pauvre enfant par la gorge, et s’efforçait de lui arracher l’arme. Arthur et Wilkins se précipitèrent sur le bandit, tandis que Gérald, armant le fusil qu’il tenait à la main, se préparait à défendre son ami et a empêcher que l’on touchât à la poudre et au plomb.

À la vue de ceux qui accouraient au secours de Hugues, Black Peter lâcha prise ; mais, se retournant aussitôt du côté des jeunes gens, il leur dit d’un ton rogue : « Ce fusil, je le veux ; il m’appartient aussi bien qu’à vous, et j’exige également ma part de poudre et de grenaille.

— Vous vous trompez étrangement, maître Black Peter, dit Arthur, ces armes sont notre bien ; c’est nous qui avons sauvé du naufrage les munitions, et j’entends ne pas laisser entre vos mains des instruments de mort, dont vous feriez un mauvais usage à un moment donné. Nous vous avons sauvé la vie ; nous vous avons nourri : si vous n’avez pas de reconnaissance, tant pis pour vous, mais du moins ne cherchez pas à nous nuire. »

Le convict ne répondit pas une parole, mais ses yeux s’injectèrent de sang ; il ressemblait à une bête féroce écumant de rage.

Wilkins murmura les paroles suivantes aux oreilles d’Arthur :

« Laissez-moi faire. Je me charge de le garrotter et de le jeter à la mer croyez-moi, c’est un homme dangereux, et nous ne devons pas le garder avec nous.

— Non ! non ! Wilkins, répliqua Arthur, Black Peter vivra ; je ne reconnais à personne le droit de disposer de sa vie, quoique je pense comme vous