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AU PAYS DES KANGAROUS

radeau. La marée descendait à ce moment là et découvrait peu à peu bon nombre de récifs que la mer avait couverts jusque-là.

Arthur Mayburn expliqua à ses amis le plan qu’il avait conçu avec Wilkins il déclara avoir besoin de l’aide de tous pour réussir à conduire le radeau dans l’anse qui se trouvait de l’autre côté de la roche.

« Allons, Black Peter, un coup de main il le faut ! » dit-il au convict.

Le marin proféra un jurement épouvantable, en déclarant qu’il ne se soumettrait jamais à obéir à un enfant.

« C’est moi qui ai été commis à la sûreté générale, répliqua Arthur, et tous tant que nous sommes, nous nous devons aide et protection. Vous seul faites bande à part. Choisissez maintenant ou de vous joindre à nous ou de ne plus avoir votre part des rations que nous avons emportées. »

Sans répliquer à cette injonction, Black Peter se contenta de jeter un regard furieux à Arthur et de se croiser les bras. Toutefois, lorsqu’il comprit que tout le monde l’examinait avec attention, il murmura ces mots entre ses dents « Tas de fous » et se jeta à l’eau, précédé par Wilkins et Arthur, pour les aider à tirer les cordes.

Le radeau avait touché sur de petites couches de corail et il fut très difficile de parvenir à l’arracher de ce quasi-naufrage sans mettre en pièces toute la fragile construction. On en vint à bout cependant, grâce à l’aide de ceux qui étaient restés à bord. Ils se servaient des rames et des billes de bois pour éloigner l’embarcation d’un côté et la rapprocher de l’autre.

Le radeau fut ainsi dirigé jusqu’à une sorte de détroit qui séparait deux roches plus élevées que les autres. L’eau était profonde, mais le passage resserré, si bien qu’il était impossible de passer outre.

« Que faire ? se dirent les trois hommes en se consultant. Nous n’avons plus qu’un parti à prendre, répondit Wilkins celui de nous jeter à la nage, et de prendre les dames les unes après les autres sur nos épaules, pour les conduire à la côte. »

Au moment où le convict proposait ce genre de sauvetage, la voix de Hugues se fit entendre du radeau, où il était resté.

« Viens ici, Arthur, disait le jeune Mayburn, tu verras ce que nous avons inventé. »

Celui-ci ne se fit pas répéter l’injonction de retourner sur le radeau. Quand il y parvint, il vit Jack qui, avec l’aide de ses compagnons, avait lié ensemble des billes de bois et quatre rames, de façon à fabriquer un catimaron[1] assez large pour qu’une personne put s’asseoir dessus à califourchon. À chaque extrémité de cette embarcation une corde était attachée. Jack, en nageant, devait amener cette corde jusqu’au rocher, et, une fois là, tirer l’un des passagers. Il s’agissait seulement de se tenir tranquille, de manière à ne point faire la culbute. De cette façon, chaque naufragé arriverait sain et sauf sur la roche.

Il ne fallait pas, du reste, songer à sauver le radeau il était certain qu’à la marée haute il serait brisé en mille morceaux. Il n’y avait donc pas un instant à perdre.

  1. Espèce de radeau très fréquemment employé dans les mers indiennes.