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AU PAYS DES KANGAROUS

de son ami Hugues. As-tu vu comme ses paroles énergiques ont immédiatement fait taire ce matamore de bagne ? Vive Arthur ! »

Lorsque le soleil eut « atteint le milieu de sa course » la chaleur devint excessive, et les naufragés, qui n’avaient rien pour se protéger de ses atteintes, souffrirent fort des effets de l’insolation.

Marguerite et son père se plaignaient plus que les autres ; aussi Jack à l’esprit inventif, songea-t-il à fabriquer une sorte d’abri, fait avec des rames entrelacées ensemble en forme de butte, lequel fut recouvert avec les vêtements inutiles qu’on avait emportés en fuyant le navire incendié.

Vers le déclin de la journée, le vent fraîchit avec force, et chacun sondait l’horizon, lorsque Wilkins indiqua de sa main étendue certains points noirs qui devaient être infailliblement des îlots.

« Mon cher frère, dit alors Marguerite à Arthur, fais tous tes efforts pour nous conduire sur une de ces roches de la mer australienne. J’ai hâte de ne plus être balancée sur ces vagues irritées.

— Il vaudrait cependant mieux continuer notre route, observa Arthur ; cependant, si nous réussissions à atterrir, nous pourrions profiter de quelques heures de repos pour consolider notre frêle radeau, afin de le rendre plus propre à soutenir les fureurs de la mer. Seulement j’appréhende de me trouver empêché par les récifs de corail qui doivent entourer tous ces îlots.

— Mon avis est que nous ferons bien de chercher à aborder, ajouta Max Mayburn ; j’aimerais fort à pouvoir observer de près les travaux des insectes qui sécrètent le corail.

— N’en faites rien, capitaine, répliqua Wilkins ou nous sommes perdus. Nous encore, quand notre radeau serait mis en pièces, nous pourrions nous sauver à la nage ; mais ces dames, – il désignait les trois femmes, — seraient sûres de se noyer.

— C’est vrai, ajouta Arthur ; mais je pense qu’en nous servant de nos avirons il nous sera possible de passer près de ces îlots et de voir ce qui s’y trouve.

— Mais nous pourrions fort bien toucher quelque part, capitaine, répondit Wilkins. Croyez-moi, ces bouts de terre sont tous aussi dénudés que le creux de ma main on n’y rencontre que quelques oiseaux de mer. N’importe, ramons ; mais ayons toujours les yeux ouverts. »

C’était un rude travail que celui de la direction du radeau à l’aide des rames ; Black Peter se refusa à donner la moindre assistance aux naufragés assis à l’arrière, il fumait sa pipe, qu’il avait remplie, car le convict avait pu sauver un gros paquet de tabac contenu dans le sac attaché à sa ceinture.

La nuit n’était pas encore venue que le radeau se trouva par le travers d’un des îlots, à la distance d’un mille. Mais tout à coup, – ainsi que cela arrive dans les mers tropicales, l’obscurité se fit, complète, entière, et les naufragés se virent forcés de se soumettre à la volonté divine, c’est-à-dire d’attendre le lever du soleil, au lendemain matin, en restant exposés aux dangers d’une côte inconnue, vers laquelle, au dire de Wilkins, un courant rapide semblait les porter.