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AU PAYS DES KANGAROUS

Et le convict ajouta à voix basse en s’adressant à Arthur :

« Pourvu que Dieu nous ait écoutés !

— Je suis certain qu’il l’a fait, répondit le fils aîné de Max Mayburn. Le Seigneur n’abandonne jamais celui qui s’adressent à lui. Un jour viendra, mon pauvre garçon, où vous croirez à son immense pouvoir, et ce jour-là vous serez heureux. »

Wilkins ne fit plus la moindre remarque ; mais, en d’autres circonstances, il eut l’occasion de se souvenir de ces paroles prononcées au milieu de cette scène d’horreur.

« Et maintenant, capitaine, dit Hugues en s’adressant à Arthur, veuillez nous indiquer la route que nous devons suivre.

— Je voudrais, avant tout, savoir en quel endroit nous nous trouvons. Je ne pense pas que nous soyons dans la direction des grandes Indes.

— J’ai entendu dire au maître timonier du Golden-Fairy, remarqua Wilkins, quand le feu s’est déclaré, que nous nous trouvions au nord de la rivière Swam, au milieu des récifs et des îlots qui avoisinent la côte. Il est fort regrettable que vous n’ayez pas emporté une ancre, nous l’aurions jetée afin d’attendre le jour pour continuer notre route. »

Les malheureux naufragés durent s’armer de patience et s’abandonner au courant de la mer. Par bonheur le vent était tombé, les vagues devenaient plus molles, et il n’y avait pas le moindre danger à courir.

« Quel est donc ce bruit ? » demanda bientôt, Max Mayburn. Chacun se mit à écouter, et l’on entendit des gloussements tout particuliers. Ruth prit enfin la parole.

« C’est moi qui n’ai pas voulu que les pauvres poules du navire périssent dans l’incendie, et j’ai cru bien faire en les fourrant dans une corbeille. Par pitié, mademoiselle Marguerite, ne tordez pas le cou à ces pauvres bêtes. »

Il va sans dire qu’au lieu de gronder Ruth chacun des naufragés la félicita. Cet incident parvint pendant quelques instants à détourner les tristes pensées des infortunés lancés sur l’Océan sur ce radeau ébauché à l’heure du péril.

Tout à coup un cri humain se fit entendre au milieu des vagues. Ce cri fut répété à diverses reprises, et Wilkins s’écria avec une certaine animation :

« À n’en pas douter, c’est l’appel d’un de mes camarades. L’embarcation aura chaviré, et j’attribue à l’ivresse la cause de ce sinistre. Ils avaient emporté un barillet d’eau-de-vie, et je suis convaincu qu’ils l’ont bu en entier jusqu’à la dernière goutte.

— Il faudrait indiquer à cet infortuné notre position à l’aide d’une lumière, si cela se peut, observa Max Mayburn. L’humanité nous commande de lui porter secours.

— Mais nous n’avons plus de place sur le radeau, s’écria Wilkins.

— N’importe, ajouta Marguerite, faisons notre devoir.

— N’est-ce pas ton avis, Arthur ? » demanda Max Mayburn à son fils.

Un nouveau cri, poussé à quelques mètres de l’embarcation primitive des naufragés, décida la réponse d’Arthur.

Gérald avait sur lui une boîte d’allumettes, et, malgré la force du vent, qui commençait à souffler de nouveau, il parvint à enflammer un de morceaux de bois soufrés dont la lueur dura assez de temps pour être aperçue.