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VOYAGE

éprouvait au fond du cœur un véritable chagrin à se séparer de ses amis pour courir à des dangers probables. Mais ne fallait-il pas obéir à son père ? Celui-ci laissait bien à sa fille la direction de la famille, mais il avait résolu de se rendre aux grandes Indes ; il fallut donc se diriger vers ces parages sur une mer tout à fait inconnue pour eux.

Pendant le voyage d’Angleterre en Australie, Édouard Deverell, au caractère énergique, avait eu quelque influence sur Max Mayburn ; mais, à cette heure que Marguerite se trouvait séparée de ses amis de l’Amoor, elle ne devait plus trouver d’appui que dans son frère Arthur.

Hélas ! mon Dieu, se disait-elle, je n’ai de confiance qu’en toi seul ; sois mon conseil et mon protecteur. C’est à toi, Seigneur, que je m’adresserai à l’heure du danger, et tu viendras à mon secours.

La séparation des deux familles fut fort pénible, et les yeux de chacun se remplirent de larmes au moment où l’on se dit adieu. Les enfants eux-mêmes avaient le cœur serré. Puis l’on s’écria « Au revoir ! » Et chacun se montra l’un à l’autre, sur la carte d’Australie, le chemin qu’il faudrait suivre pour se rendre à la ferme des Marguerites.

À un certain moment, si les Deverell eussent insisté de nouveau, Max Mayburn et Marguerite auraient pourtant abandonné leurs projets pour accompagner les colons dans leur défrichement du désert australien ; mais Dieu en avait décidé autrement.

En mettant le pied sur le Golden-Fairy, les passagers ne purent s’empêcher de remarquer certain abandon, certaines négligences, qui contrastaient, dans leur souvenir, avec les soins et l’ordre que l’on admirait à bord de l’Amoor.

Édouard Deverell crut devoir adresser ses observations au capitaine, nommé Markham, afin d’obtenir plus de confort pour ses hôtes, dont le passage coûtait fort cher ; mais ce marin reçut ces communications d’un air distrait et même d’une façon dédaigneuse. Deverell, sans en rien dire, procéda aux changements réclamés en payant à qui de droit pour cela, et il engagea Marguerite et Arthur à ne point céder au capitaine Markham et à se tenir sur leurs gardes, car il lui sembla que cet homme aimait par trop à caresser la bouteille.

C’est à ce moment suprême de la séparation qu’Edouard Deverell regretta plus que jamais de ne pas avoir plus insisté auprès de ses amis pour les garder près de lui. Hélas ! le sort en était jeté ; Arthur lui-même pressait le départ, et son père n’avait point changé de détermination.

D’autre part, le grand nombre des chercheurs d’or qui se trouvaient à Melbourne avait fait doubler la valeur de la vie ordinaire.

On s’embrassa une dernière fois ; puis, sans parler, on prit congé les uns des autres les larmes aux yeux. Le navire mit à la voile, et tant que les Mayburn purent apercevoir sur le rivage les Deverell, qui les suivaient du regard en agitant leurs mouchoirs, ils restèrent sur la dunette du Golden-Fairy. La terre disparut enfin, et les passagers descendirent dans leurs cabines pour s’occuper des arrangements indispensables à leur bien-être pendant la traversée.

La pauvre Ruth, que nous avons perdue de vue jusqu’ici, n’était pas à