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VOYAGE

ne pouvait plus être question d’attendre sa mise en état pour se rendre à Calcutta.

Les jeunes filles ouvrirent une des fenêtres de l’hôtel où résidaient leurs parents, afin d’examiner à l’aise le panorama de Melbourne, que l’on découvrait de l’étage où se trouvait leur appartement. Elles admirèrent la largeur des rues, remplies d’une foule de promeneurs et de gens allant à leurs affaires, l’architecture élégante des églises, et enfin l’aspect tout à fait européen de cette ville, qui s’élevait sur un terrain où vingt années auparavant régnait une nature sauvage.

Quand vint le soir, Max Mayburn vit arriver à l’hôtel ses enfants, qui lui apprirent la découverte d’un navire, le Golden-Fairy, lequel venait de débarquer à Melbourne un grand nombre de chercheurs d’or, et prenait du fret et des passagers pour les grandes Indes. Le capitaine, très heureux de trouver la location de ses cabines, se montrait bien disposé à s’entendre avec M. Mayburn. Son intention était de mettre à la voile dans trois jours. Il n’y avait donc pas de temps à perdre.

Édouard Deverell apprit à ses amis qu’il avait pu mettre en sûreté ses bestiaux, et trouver d’excellents logements pour ses ouvriers, leurs femmes et leurs enfants, sans compter le bagage de tout ce monde-là, y compris les chats qui pullulaient dans le personnel de la colonisation. « Le plus difficile maintenant, ajouta le chef de la famille Deverell, sera d’emmener tout mon monde jusqu’à ma destination. J’ai, à cet effet, loué un convoi de chemin de fer, et pris à ma solde deux convicts libres sur parole.

« Qu’avez-vous fait là, mon fils ? dit Mme Deverell, tandis qu’Emma regardait son frère avec stupéfaction. Mais toute relation avec de pareilles gens sera une honte, sans compter que nous courons le risque d’être assassinés, du moins sûrement volés.

— J’espère qu’il n’arrivera rien de la sorte, répliqua Edouard Deverell. D’ailleurs il nous est impossible de faire autrement : il nous faut des guides pour nous rendre à notre concession. Ces deux hommes ont prouvé leur repentir depuis leur condamnation à la déportation pour crime de braconnage. Mes engagés sont frères, et le directeur de Melbourne me les a particulièrement recommandés. Ils ont passé un certain temps hors de Melbourne avec des colons et connaissent parfaitement tous les méandres du Marray et du Darling, de l’autre côté desquels s’étend la frontière des pays civilisés. Enfin je me suis rendu chez le gouverneur de Melbourne, et, lui ayant déclaré mes intentions de m’établir comme colon sur le territoire australien, il m’a remis tous les papiers en règle, signés et paraphés. Les voici. »

Le lendemain matin, les deux convicts se présentèrent devant la famille Deverell, qui les examina avec une grande curiosité. Le premier était un gros garçon au visage rude et expressif, dont les vêtements se composaient de bure grossière et dont le chef était couvert d’une casquette de fourrure. En somme, sa personne était fort avenante. Quant au second personnage, le plus âgé des deux, son aspect était celui d’un pauvre convenablement habillé d’un vêtement noir quelque peu râpé, mais parfaitement brossé. Sur le côté de sa tête se balançait un chapeau noir très lustré, quoique bosselé dans certains endroits.