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AU PAYS DES KANGAROUS





CHAPITRE XXXIV

Le confortable de la civilisation. — Susanne Rayne. — Le hameau et l’église. – Projets d’avenir. — M. Édouard Deverell. — Les beautés de la « ferme des Marguerites. »


Je laisse à penser quelle réception fut faite aux amis que la Providence ramenait ainsi vers ceux qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Que de pleurs furent versés au récit des souffrances et des périls qu’ils avaient endurés !

On songea immédiatement à procurer à ces pauvres voyageurs les douceurs de la vie civilisée dont ils avaient été si longtemps privés, à leur offrir les rafraîchissements et les mets dent ils avaient oublié le goût depuis tant de mois.

Ce fut seulement par bribes, par récits entrecoupés, que les habitants de la colonie apprirent les aventures des naufragés du Golden-Fairy, leurs souffrances et leurs privations, et les domestiques de la ferme rivalisèrent de soins avec leurs maîtres pour leur faire oublier les mauvais jours passés dans le désert australien.

« Dis-moi, chère Emma, fit Marguerite à son amie, tout en peignant sa chevelure et en revêtant une des robes de mousseline que celle-ci avait mises à sa disposition, as-tu toujours à ton service une brave fille qui s’appelait Susanne Rayne et qui t’avait accompagnée à bord de l’Amoor ? Nous avons amené avec nous un pauvre homme qui aurait le cœur brisé s’il ne la trouvait pas ici.

— Ce pauvre homme n’est-il pas un convict du nom de Wilkins ? répliqua la sœur d’Édouard Deverell. La malheureuse Rayne a été cruellement désappointée lorsque, en arrivant à Melbourne, elle a appris que celui pour qui elle avait tout quitté dans son pays s’était sauvé dans les bois avant son arrivée.

— Lorsque je t’aurai raconté les aventures de Wilkins, ajouta Marguerite, je suis sûre, chère amie, que tu seras la première à demander pour mon protégé le pardon que mérite son repentir. »

Tout en descendant de la chambre d’Emma pour aller rejoindre Mme Deverell, Marguerite fit un récit exact des aventures du convict, et quand la vieille mère eut appris à son tour les détails de cette affaire, elle envoya prévenir Susanne, avec toutes les précautions voulues, à la laiterie où elle était employée.

Quand tous les naufragés, revêtus de vêtements qu’on leur avait offerts, se réunirent dans le salon de la ferme, c’est à peine s’ils purent se reconnaître. On passa aussitôt dans la salle à manger, où la table était couverte de toutes les bonnes choses de la cuisine anglaise. Là se trouvaient du bœuf