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VOYAGE

— Quelle bonne pensée, cher ami ! s’écria le colon en éperonnant sa monture pour rejoindre celui-ci.

– Qu’est-ce à dire ? observa le fils aîné. Tu as donc fait des prisonniers ? » ajouta-t-il en regardant toute la troupe couverte de haillons, dont les chefs se voilaient la figure pour ne pas être reconnus.

À la fin cependant Marguerite se retourna vers le maître de la ferme, et Édouard la reconnut.

« Ma chère Marguerite ! Mes bons amis ! Quelle joie ! quel bonheur ! Enfin je vous revois ! J’ai si souvent pensé à vous ! Dieu m’a écouté. Que je vous embrasse ! Oh ! je n’ai pas peur de vos haillons. Emma réparera vos toilettes. Nous avons des aiguilles et du fil à la maison.

– Quelle chance ! s’écria Jenny Wilson.

– Oh ! vous aurez tout ce que vous voudrez mes amis, ajouta Édouard Deverell. Les provisions de toutes sortes ne manquent pas au logis. Il y en a pour le goût de chacun. »

Après avoir échangé toutes ces paroles amicales, le chef de la colonie se plaçait à côté de Max Mayburn et de sa fille, et il reprit le chemin de la ferme sous l’ombrage des arbres géants, des eucalyptus, des palmiers hibyscus, des figuiers, qui croissaient les uns près des autres dans un désordre vraiment artistique.

À un certain endroit, Charles se détacha en avant pour aller préparer sa famille à la nouvelle étourdissante du retour des naufragés du Golden-Fairy.

Bientôt les voyageurs purent apercevoir, du haut d’une colline, la ferme des Deverell, bâtie sur la déclivité d’une montagne boisée. Une allée d’arbres ressemblant à des cèdres aboutissait à la pelouse verdoyante étalant son gazon devant le logis, et, dans les champs qui s’étendaient des deux côtés, on distinguait des essences inconnues qu’Édouard appelait « le bois de rose, » le méliacée, l’œnocarpus et tant d’autres.

« Je propose de mettre pied à terre, dit à la fin le colon. Mes hommes vont prendre soin des chevaux, qui traînent les jambes, et nous irons en nous promenant jusqu’au château. »

C’était, en effet, un vrai manoir construit avec goût et élégance, entouré d’allées sablées, de parterres remplis de fleurs, au milieu desquels les « marguerites » poussaient en abondance.

Quelle joie n’éprouvaient-ils pas tous en se trouvant devant une maison hospitalière, après avoir été si longtemps obligés de reposer sur la terre humide, privés des objets indispensables à l’homme civilisé !

L’habitation des Deverell, quoique toute construite en bois, était agréable aux yeux et fort spacieuse. Derrière le logis des maîtres on apercevait les dépendances, les écuries, les étables et les hangars.

En avant du perron, une vaste véranda supportée par des colonnes autour desquelles s’enroulaient des rosiers, des chèvrefeuilles, rappelait la vue des demeures des fermiers de la vieille Angleterre.

Ce qui intéressait davantage les voyageurs, c’était l’aspect de la grande porte ouverte, sur le seuil de laquelle se tenaient Mme Deverell mère et la souriante Emma, tendant les bras aux chers voyageurs.