Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
VOYAGE

Les voyageurs s’avancèrent encore pendant plusieurs jours à travers des prairies verdoyantes ; ils traversèrent plus tard des halliers, et parvinrent enfin à l’entrée d’une forêt touffue. Là ils firent halte pour passer la nuit et se reposer.

Les bestiaux des Deverell, qui précédaient la caravane, avaient été mis aux entraves en cet endroit, et l’on s’aperçut bientôt, à leurs mugissements et leur impatience, qu’il se passait quelque chose d’insolite autour d’eux.

Hugues s’avança de ce côté, afin de s’assurer de la cause de cette inquiétude, tandis que les gardiens souriaient et se frottaient les mains.

« Patrick, dit Charles Deverell à l’un des hommes du troupeau, qu’est-ce qui vous amuse tant ?

— Parbleu Monsieur, nous nous réjouissons en voyant nos bêtes qui sentent le voisinage de leurs étables.

— Est-il possible ! s’écria Marguerite ; comment, nous serions si près de la ferme des Marguerites ?

— Encore un jour, et nous arriverons au terme de notre voyage, Miss, répliqua le colon : nous nous trouvons, en effet, sur la frontière de notre concession. Nous avons choisi cette forêt touffue, remplie d’arbustes grimpants et épineux, pour servir de « haie » à nos limites. J’ajouterai qu’une grande partie de notre territoire est non seulement inculte, mais encore inconnue de ses propriétaires. Nous avons eu soin, toutefois, de placer les stations de nos troupeaux dans l’intérieur du terrain qui avoisine la ferme.

– Allons nous pourrons bientôt chanter :

Où peut-on être mieux
Qu’au sein de sa famille ?

fit Hugues en riant de plaisir à la pensée de se retrouver avec ses amis de l’Amoor.

— Quelle joie ! dit Marguerite, de revoir votre bonne mère, Charles Deverell, mon amie votre sœur, de nous reposer dans des lits, et de prendre un repas… comme en Angleterre.

– Et d’avaler une bonne tasse de thé, ajouta Jenny Wilson.

– Nous avons, en effet, du vrai souchong à la ferme, ma brave femme, observa Deverell. Voyons mes amis, fit-il en s’adressant aux jeunes gens, voulez-vous que nous allions faire taire ces méchants dingos qui braconnent sur mes terres ?

– Des dingos ? demanda Arthur.

– Oui, répliqua Max Mayburn. Ce sont les renards de l’Australie.

— Va donc pour une chasse aux dingos, ajouta Hugues. Je ne serais pas fâché de voir de près un de ces animaux.

— Je vous préviens que ces quadrupèdes sont immangeables ; mais ils font un tel ravage dans nos troupeaux de moutons, que nous donnons des primes à nos bergers toutes les fois qu’ils apportent la peau d’un warogle, comme les sauvages appellent cet animal. Allons, qui m’aime me suive ! »

Hugues eut la satisfaction de tuer un dingo, que Baldabella rapporta au campement. La bête sentait horriblement mauvais, et Marguerite s’éloigna au plus vite, tant elle se trouvait incommodée par cette odeur nauséabonde.