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AU PAYS DES KANGAROUS

— Quel plaisir j’éprouve, cher monsieur Deverell, en voyant que, comme moi, vous admirez l’ouvrage de la création, que mes enfants ont également appris à aimer à mon exemple !

— Vous ne trouverez pas dans notre basse-cour des émeus, des ornithorynques, mais des cygnes noirs, des télégalles, des aptéris, ajouta Charles Deverell.

— Et Ruth que voici, fit Max Mayburn, sera, si vous le voulez bien, chargée de donner à manger à cette gent empennée. Qu’en dis-tu, ma brave fille ?

— J’en serais bien heureuse, mais à la condition que miss Marguerite ne nous quittera pas, répondit la sœur de Jack, et que les vilains noirs que vous savez ne nous tourmenteront plus.

— Oh ! n’aie pas de pareilles appréhensions, ma pauvre créature. Les indigènes qui sont près de ma ferme, ajouta le colon, sont presque civilisés. Ils travaillent aux champs ; quand ils le veulent, nous habillons leurs femmes et leurs enfants, nous les instruisons de notre mieux et, quand ils sont malades, nous les soignons comme des frères. Je ne pense pas, à moins d’un cas exceptionnel, qu’aucun d’eux songe jamais à s’emparer de ce qui nous appartient.

— Mais ne craignez-vous pas les « coureurs des bois » ? demanda Marguerite.

— Je crois que nous ferons bien d’avoir les yeux ouverts pendant le reste de notre voyage répliqua le colon ; néanmoins, grâce à la vigilance de nos agents de police, le nombre de ces bandits est bien diminué. Enfin nous sommes trop bien armés pour qu’ils songent à nous attaquer. Nous serons forcés de passer devant des tavernes mal famées où ces échappés de Botany-Bay ont établi leur repaire, pour échanger le produit de leurs vols contre de l’eau-de-vie et du tabac ; mais les policemen sont toujours aux aguets dans ce voisinage. Du reste, nous sommes là, miss Marguerite, tous pleins de courage et d’énergie, et malheur qui se présenterait pour nous barrer le passage !

— Vos serviteurs sont-ils répandus en divers endroits de vos propriétés ? demanda Hugues. Je croyais que votre intention et celle de votre frère était de bâtir un village.

— Nous avons dû élever, dans différents parages de notre concession, des cabanes où mes gens surveillent les bestiaux. Mais si vous consentez tous à résider à la « ferme des Marguerites », oh ! alors nous fonderons véritablement une colonie, et, au lieu de louer le territoire que nous occupons, nous l’achèterons au gouvernement. Nous le diviserons et le cultiverons, ce que mon frère et moi n’aurions jamais pu faire tout seuls. Qui sait si, un jour ou l’autre, il n’y aura pas dans cette partie de l’Australie deux bourgs, dont l’un se nommerait Mayburn, et l’autre Deverell ?

— Pardon, Monsieur, demanda Jack, avez-vous beaucoup d’arbres à construction sur votre domaine ?

— Tu en jugeras par toi-même, mon garçon, répondit le colon : je te dirai aussi que j’ai découvert des carrières intarissables dans les montagnes, et que parmi les hommes que nous avons amenés il se trouve des tailleurs de pierre très habiles. Nous pourrons donc construire et bâtir un véritable village anglais, au milieu duquel nous laisserons un espace destiné à servir de prairie pour les jeux. Les cottages s’élèveront tout autour, et l’église sera au centre de ces constructions. »