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VOYAGE

À ces éclats de voix, une volée de kakatoès s’envolait dans les airs, coassant, comme pour se moquer de la menace du bandit, de cet ange déchu, terrassé par le Tout-Puissant.

« Que Dieu ait pitié de son âme » s’écria Jack, qui ferma les yeux avec un sentiment de terreur.

Pendant que ce drame arrivait à son épouvantable dénouement, les gens de la police ramenaient le second fugitif, dont ils s’étaient facilement emparés. On le réunit aux deux autres, et tous trois, solidement garrottés, partirent pour Sydney, au grand plaisir de Charles Deverell et de ses amis, pour qui la vue de ces coquins était insupportable et odieuse.

Le lendemain de ce jour-là, la caravane, dirigée par le colon, se mit en route dans la direction de cette habitation bénie où les attendaient la paix et le repos, le bonheur peut-être.

Plusieurs jours s’écoulèrent, pendant lesquels les voyageurs durent traverser un désert, des montagnes couvertes de bois touffus, des rivières rapides, et se défendre même contre des tribus de sauvages leur barrant le passage.

À la fin cependant les voyageurs se trouvèrent, un matin, sur les rives d’un grand fleuve que Charles Deverell leur montra avec une joie inexprimable.

« Mon cher monsieur Mayburn, dit-il au vieillard, voici le moment de remercier Dieu du fond du cœur, pour vous avoir conduits jusqu’ici, sains et saufs, à travers les déserts impénétrables de l’Australie. C’est un miracle que d’être ainsi arrivés en ces lieux, du point où vous avez fait naufrage, sans être tous morts en route. Voici le fleuve qui passe devant notre habitation, et dont les eaux baignent le jardin de la « ferme des Marguerites. » Désormais nous ne rencontrerons plus d’obstacles sur notre route. D’ici à la colonie, nous trouverons des vivres en abondance, poissons, gibier, fruits de toutes sortes, et des buissons de fleurs pour miss Marguerite.

— Tenez, Monsieur, fit Jenny Wilson à l’ami de ses maîtres, voici un troupeau d’oies qui pourraient nous fournir un excellent rôti.

— Dites plutôt deux ou trois rôtis, ma brave femme. Venez, mes amis, en chasse ! M. Mayburn ne sera pas fâché d’examiner de près ces oiseaux. »

Sans se faire prier, les jeunes gens s’alignèrent sur les bords du courant d’eau, afin d’avoir la chance de tirer sur la volée de palmipèdes, et l’on entendit bientôt quelques coups de feu, suivis du vol d’une partie des « oies » de mistress Wilson.

Quatre oiseaux étaient restés sur place, et les chasseurs ne tardèrent pas à les rapporter à l’endroit où la famille se reposait en attendant.

« Quels magnifiques oiseaux déclara Max Mayburn. Mais je les reconnais ce sont des céréopsis. Que ne puis-je en conserver un intact !

— Rien ne sera plus facile, déclara Charles Deverell. Mon frère Édouard vous aidera à naturaliser autant d’oiseaux que bon vous semblera. Ma sœur Emma a trouvé le moyen d’apprivoiser un certain nombre de ces volatiles, que l’on connaît dans ce pays sous la dénomination « d’oies à bec court. » Leur chair est fort délicate, et n’a pas le goût de marée, comme celle de certains palmipèdes qui se nourrissent de poisson.