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VOYAGE

accepter les bienfaits de la civilisation en se montrant bons avec eux. Nous avons déjà commencé, à élever des enfants, et nous atteindrons tôt ou tard notre but. »

Les bergers s’étant éloignés avec les troupeaux, les agents de la police amenèrent, un à un, les naturels qui avisent passé la nuit dans les grottes.

Ces malheureux, voyant devant leurs yeux des hommes armés et d’un aspect sévère, s’attendaient à mourir ; mais Charles Deverell, qui parlait assez couramment le langage du pays, leur adressa un long discours, dans lequel il leur reprochait leur ingratitude envers lui, qui n’avait jamais refusé de leur porter secours dans les jours de famine, et qui n’avait d’autre désir que celui de les voir heureux.

Le colon les avertit du danger qu’il y avait pour eux d’écouter les mauvais conseils des convicts évadés, de s’enivrer brutalement comme ils le faisaient car cette funeste passion, l’ivrognerie, serait un jour la cause de la disparition de leur race. Il les menaça enfin de la mort, s’ils retombaient jamais en ses mains.

Satisfait d’avoir ainsi jeté l’anxiété et la terreur dans l’âme de ces gens mal conseillés, Charles Deverell leur donna la liberté, dont ils se hâtèrent de profiter en se sauvant à toutes jambes, franchissant les rochers et les buissons, et se cachant au milieu des bois.

Il ne resta plus que les quatre convicts ; leur punition ne regardait pas Charles Deverell, qui les remit à la garde des gens de la police, lesquels déclarèrent qu’on les emmènerait à Sydney, pour les livrer aux autorités compétentes.

On fit donc sortir de leur geôle de pierre ces quatre bandits, que l’on enchaîna deux par deux, après les avoir fouillés, dans la crainte qu’ils n’eussent sur eux des armes cachées. Black Peter, lui, se refusa à toute visite de ce genre.

Avant le départ de ces bandits, on leur donna à manger puis Deverell et Arthur les recommandèrent aux agents, en les priant d’être sévères, mais humains avec eux.

En ce moment-là on entendit Ruth pousser un cri. En se retournant, le colon et l’aîné des Mayburn aperçurent l’homme qui avait été couplé avec Black Peter monté sur un cheval, et fuyant à bride abattue.

Les agents s’élancèrent sur les trois montures qui restaient encore, tandis que Deverell et Arthur les remplaçaient pour garder les autres prisonniers. Quel ne fut pas leur étonnement en découvrant que Black Peter avait aussi disparu !

« J’ai vu ce qui s’est passé, dit alors la sœur de Jack. Tandis que vous causiez avec la police, l’ami de Peter et lui se concertaient. Il m’a semblé que ce dernier tirait quelque chose de sa poche et qu’il levait les mains. Ils étaient libres l’un et l’autre.

Le premier convict avait déjà pris les rennes du cheval sur lequel Black Peter cherchait à s’élancer, lorsque son camarade le repoussa vivement de l’autre côté de la selle, et, sautant en croupe, talonna vivement la bête sans s’occuper de son ami, qui jurait et pestait. Se voyant abandonné de la