Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
225
AU PAYS DES KANGAROUS

— Et votre bonne sœur Emma, que fait-elle au milieu de ce pays sauvage ? demanda ensuite Hugues.

— Elle cultive son jardin, répondit Deverell, et veille aux soins de la garde-robe commune et de la lingerie ; elle lit, elle chante, elle ne rougit pas d’aider sa mère et Susanne, la bonne fille, à battre le beurre dans la laiterie.

— Vous parlez sans doute de Susanne Rayne, demanda Marguerite, qui avait remarqué l’agitation du pauvre Wilkins, de cette honnête et modeste fille qui vous accompagnait à bord de l’Amoor ?

— Parfaitement, répliqua Deverell. La chère créature, vous en souvenez-vous ? s’était jointe à notre expédition pour retrouver à Botany-Bay son fiancé, un malheureux qui s’était rendu coupable d’un crime qui pouvait être pardonné ; mais quand, arrivés à Melbourne, nous prîmes des renseignements sur cet homme, nous apprîmes qu’il s’était sauvé à bord d’un navire se rendant aux grandes Indes, en compagnie d’un certain nombre de convicts évadés. Je crains bien qu’il ne soit plus digne de s’unir à cette infortunée, qui se désole de l’avoir perdu.

— Celui dont vous parlez est réellement un grand coupable, dit Wilkins d’une voix émue, et Susanne Rayne a bien fait d’en épouser un autre, selon toute probabilité.

— Je lui conseillais de le faire, répondit M. Deverell, mais elle n’a pas voulu m’écouter : elle songe toujours à l’homme qui a été son ami d’enfance. Je voulais la marier à un de mes bergers, un fort honnête garçon ; mais, bah ! elle a repoussé cette union, qui eût fait son bonheur et celui de mon serviteur.

— Je la reconnais bien là, cette amie dévouée ! s’écria Wilkins. Gredin que je suis d’avoir forfait à l’honneur, et d’avoir si peu mérité l’affection de cette créature du bon Dieu ! Oh ! miss Marguerite vous la prierez de me pardonner, n’est-ce pas ? Veuillez assurer à M. Deverell que je suis revenu au bien, et que je souhaite qu’il ne me repousse pas. »

Marguerite expliqua à Édouard Deverell la position de Wilkins ; et celui-ci, en écoutant parler la fille de Max Mayburn pleurait à chaudes larmes.

Le colon promit d’intercéder auprès de Susanne en faveur de celui qui l’aimait toujours ; et quand le convict repentant l’eut remercié avec effusion des marques de sa bonté, on songea à s’éloigner pour regagner la « ferme des Marguerites. »

« Avant de nous éloigner, dit le colon, nous ferons bien de nous occuper des indigènes prisonniers. Nous allons tenir une cour de justice d’une façon aussi imposante que le permettent les circonstances ; nous chercherons à leur faire peur afin de les empêcher de recommencer.

— Voici un quartier de roche qui va vous servir de tribunal, observa Hugues. Prenez place, monsieur Deverell : mon père sera votre assesseur et vous soufflera des idées de clémence. Il est inutile, je pense, d’organiser un jury, car vous êtes d’avance disposé à pardonner. Les policemen vont amener les prisonniers quand vous le jugerez à propos.

— De grâce, ne plaisantez pas, mon ami, ajouta le colon. Je ne veux pas me montrer sévère ; car mon avis est qu’il faut amener les indigènes à