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AU PAYS DES KANGAROUS

— Vous les traitez fort doucement, cher Monsieur, répliqua Deverell. Ces pauvres diables sont d’affreux coquins incorrigibles, qui, d’après les lois des colonies, doivent être sévèrement punis. Je commencerai par m’emparer de mes bestiaux, et je traiterai ces misérables comme ils le méritent. S’ils veulent se défendre, tant pis pour eux ! ils supporteront les conséquences du combat. »

La conversation se prolongea fort longtemps, et il était bien tard lorsqu’on songea à aller se reposer. Les gens de la police faisaient, chacun à leur tour bonne garde, afin d’empêcher les « coureurs des bois » de passer sans qu’on s’aperçût de leur présence.

Quand le jour se fit, ces hommes infatigables allèrent se placer sur des points culminants des montagnes, afin de surveiller l’horizon. La journée se passa sans alarme : ce fut seulement au coucher du soleil qu’on avertit les Deverell de la marche d’un corps assez nombreux. Immédiatement on fit les préparatifs nécessaires. Les hommes armés de fusils s’espacèrent le long du défilé ; ils étaient dix, ainsi divisés : Arthur, Gérald, Hugues, Charles Deverell et six agents de la police. Marguerite et Max Mayburn demeurèrent dans la petite vallée où s’élevait le campement, en compagnie de Jenny et de Ruth ; Wilkins, Davy et Jack gardaient l’issue du défilé, avec ordre d’arrêter tout homme qui parviendrait jusque-là.

« Je crois que les « coureurs des bois », qui connaissent parfaitement cette partie du pays, dit Charles Deverell, vont chasser le bétail devant eux. Nous nous emparerons des animaux dès qu’ils auront franchi le passage encaissé entre les rochers : les gardiens se chargeront de les conduire en lieu sûr. Quand à nous, notre tâche sera de faire prisonniers les voleurs. Maintenant, Davy, je vais de nouveau mettre ta fidélité à l’épreuve : tu prendras un fouet et tu te chargeras d’entraîner les bêtes à cornes jusqu’à notre établissement colonial.

— J’y ferai de mon mieux, maître, répliqua le frère de Bill : mais je vous demande la permission, avant de partir, de tirer un coup de feu sur ces infâmes. Je veux rendre à Black Peter ce qu’il a fait à mon cher Bill.

— Non, Davy. Je m’oppose à ce projet c’est nous qui punirons l’assassin. Je te promets de lui faire payer cher tous ses crimes. Ton devoir est de t’occuper seulement du bétail. Quand cela sera fait, nous te suivrons tous à la « ferme des Marguerites ».

Un quart d’heure suffit pour mener à bonne fin tous les arrangements, et les courageux défenseurs se tinrent chacun à leur poste.

Les bandits s’approchaient toujours, précédés par les bestiaux qu’ils poussaient devant eux. Black Peter marchait en tête, suivi par les noirs ; et le convict, le corps nu comme celui des naturels, bariolé de rouge sur toutes les côtes, de façon à ressembler à un squelette, prenait à tâche de plaire aux sauvages, qui étaient tous peints en guerre.

Ce qui avait été prévu arriva : le troupeau fut entouré et quand un des « coureur des bois », qui servait de garde, parut à l’extrémité de la gorge profonde, on l’appréhenda sans difficulté. Mais il poussa des cris qui entendus par Black Peter.

L’audacieux coquin comprit immédiatement ce qui se passait, et, ordon-