Page:Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
AU PAYS DES KANGAROUS

terre, et chacun à son tour avait serré la main au colon, dont les yeux étaient remplis de larmes.

Celui-ci expliqua à son tour dans quelles circonstances il se trouvait loin de sa maison : il était venu en cet endroit pour attaquer les « coureurs des bois », qui avaient si audacieusement volé son bien et celui de son frère Édouard.

« J’ai amené, ajouta-t-il, trois de nos gardiens pour rallier le bétail volé quant aux autres personnes, elles appartiennent à la police des frontières, une institution indispensable dans ce pays privé de toute force armée. »

Ces attachés du gouvernement colonial avaient l’aspect rude et menaçant avec leurs habits blancs étriqués, leurs pieds nus et leurs cheveux longs. Ils étaient armés de sabres et de pistolets.

Leurs yeux s’arrêtèrent plutôt sur Wilkins et Davy que sur les autres voyageurs. Davy semblait honteux de se présenter de nouveau devant le frère de son maître, qui paraissait, lui aussi, très étonné de le retrouver en compagnie des Mayburn. Toutefois Charles Deverell ne dit rien et remit à plus tard une question à ce sujet.

« Ne vous souvient-il pas, Charles, dit Hugues au colon, que Gérald et moi nous préférions rester avec votre famille, au lieu d’aller courir jusqu’aux grandes Indes pour nous faire conduire en palanquin ? Arthur et Marguerite n’en disaient rien, mais ils pensaient comme nous. Seul mon père avait mis dans sa tête de viser le Gange et ses rivages. En somme, ce n’est point par le fait de notre volonté, mais par la puissance de la Providence, que nous voilà de nouveau réunis. À cette heure, nous sommes tous d’avis que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de nous établir comme colons dans la belle Australie.

— Ce qui ne sera pas une tâche sans difficulté, observa Max Mayburn puisque voici notre ami Charles Deverell qui, malgré son expérience, ne peut éviter d’être pillé par les « coureurs des bois » et les sauvages réunis. J’avoue que je vivrais dans de continuelles angoisses si nous nous établissions dans le voisinage du désert.

— Bah mon cher protecteur, remarqua Gérald, n’y a-t-il pas des voleurs même au beau milieu de l’Angleterre ?

— Sans doute, mon ami, sans doute, ajouta Charles Deverell ; aucun pays civilisé n’a encore pu déraciner les mauvais instincts d’une partie de ceux qui l’habitent : Dieu seul pourrait y réussir s’il le voulait. Mais, cher monsieur Mayburn, rassurez-vous : quand vous et miss Marguerite aurez visité notre habitation, vous conviendrez que nous sommes et devons y être en sûreté. Qui plus est, le poste de police qui est installé dans notre voisinage est très bien organisé. Nous avons des domestiques sur qui l’on compter, des palissades solides, et nous nous croyons parfaitement protégés. Allons remettez les rênes de vos montures à mes domestiques, puis asseyez-vous pour prendre votre part du repas. Cela fait, vous me conterez votre histoire et votre odyssée. »