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VOYAGE

— Qu’importe ! après tout. Nous avons deux fusils, répliqua Gérald, et rien ne serait plus facile que de défendre un de ces passages contre tous nos ennemis réunis. Ainsi, avec les armes à feu et les archers par derrière pour nous aider, nous viendrions bien vite à bout de nos ennemis.

— Dieu nous préserve d’être jamais obligés d’ensanglanter ce pays dit Max Mayburn.

– Marchez à l’arrière, mon père, dit Arthur nous allons partir en reconnaissance avant de nous aventurer dans ces montagnes.

— Choisis un défilé étroit, mon ami, fit Gérald au chef de la caravane. Ce sera un endroit excellent pour nous défendre au besoin. Mais qu’entends-je ? Quel est l’animal qui fait un pareil bruit ? C’est la première fois que ces sons frappent mes oreilles depuis que nous sommes en Australie.

— Mon bon frère Jack, disait Ruth, montée en croupe avec celui ci, arrête : c’est un ours pareil à ceux qui dansent dans les foires.

— Un ours grogne ; mais ce que j’entends est un beuglement ou un rugissement : celui d’un lion, répondit Hugues ; marchons, nous allons avoir au moins quelque sensation agréable. Attention ! aux armes »

Jack et Ruth se trouvaient un peu en avant des autres, lorsque tout à coup, au milieu d’un buisson placé devant eux, ils virent s’élancer un taureau sauvage, – ou plutôt échappé de quelque colonie, — qui, baissant la tête, s’élança contre ceux qui venaient le troubler dans ses méditations. La bête était énorme, couverte d’un poil roux et noir, et le front armé de deux cornes courtes et pointues. L’œil en feu, soufflant comme un phoque, on devait le prendre pour un animal dangereux, et il l’était en effet.

Le taureau s’arrêta pourtant quelques instants, faisant voler la terre avec ses pieds de derrière, et poussant des beuglements faits pour inspirer la terreur.

Jack allait faire volte-face pour laisser le passage libre à l’animal ; mais avant qu’il eût pu empêcher Ruth de lui ôter sa force d’agir, — car celle-ci serrait son frère à l’étouffer, — le courageux garçon fut lancé hors de sa selle par un bond de sa monture, à qui le taureau avait appliqué un coup de corne en plein poitrail.

Ruth était également tombée au milieu des buissons.

Jack, quoique meurtri par sa chute, se releva aussitôt et courut à sa sœur pour lui porter secours. Il la releva et la plaça derrière un gros arbre ; puis, armé d’un épieu, il se retourna vers la bête furibonde. Le cheval qu’il montait avait été jeté les quatre fers en l’air, et la bête enragée le piétinait de toutes ses forces, quoique Wilkins, arrivé sur ces entrefaites, la frappât à coups de zagaies, aidé par Hugues, qui ne se lassait pas un seul instant.

À un moment donné, le taureau se tourna du côté de Jack, qui l’attendait de pied ferme ; mais, avant qu’il se fut élancé, on entendit une détonation : Arthur, pour mettre fin à cette bataille inégale, venait d’étendre le taureau par terre en lui adressant un coup de feu.

La bête, un instant inerte, se releva de nouveau furieuse, et Arthur se vit forcé de redoubler, dans la crainte de voir Wilkins terrassé par les cornes de cet ennemi à quatre pattes. Enfin le taureau s’étendit sur le sol en râlant et en se tordant dans des convulsions.