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AU PAYS DES KANGAROUS

Par contre, leurs branches étaient couvertes de kakatoès et de pigeons, dont les jeunes chasseurs, pourvus d’arcs et de flèches, firent ample provision. Le quatrième jour, Baldabella, qui marchait en tête, se mit à crier : Yarray ! yarray ! ce qui voulait dire : de l’eau ! de l’eau ! et les voyageurs aperçurent devant eux, se dirigeant vers le sud-ouest, une petite rivière qui n’était pas sur la voie indiquée par Davy mais on résolut cependant de suivre le cours de ce torrent impétueux, non seulement pour abréger le supplice de la soif, mais encore pour donner de la force aux chevaux, qui commençaient à faiblir.

On fit halte sur les bords de l’eau, et d’autres moments de repos se succédèrent chaque jour dans la même position. Un après-midi, à l’une de ces stations nécessaires, les jeunes chasseurs s’étaient mis à la poursuite de quelques oiseaux, quand Gérald s’écria tout à coup « À cheval ! à cheval ! j’ai vu des émeus. »

En effet, sur la lisière d’un bois, les fugitifs purent voir un troupeau de ces oiseaux géants qui paissait avec calme, comme l’eussent fait des moutons.

« Nous n’avons pas besoin de ce gibier-là, observa Max Mayburn. Pourquoi troubler ces oiseaux ?

— Bah ! l’un d’eux ne sera pas désagréable pour notre provision, dit Jenny Wilson, et ces messieurs sont fatigués de toujours manger des pigeons et des kakatoès. »

Max Mayburn soupira en songeant qu’on allait troubler la quiétude de ces bêtes inoffensives ; il se contenta de recommander qu’on se bornât à tuer un seul oiseau. Les jeunes gens, ardents à la chasse, sautèrent sur leurs chevaux, et, armés de zagaies et d’arcs, se lancèrent au galop, voulant tout d’abord séparer les animaux les uns des autres. Un émeu plus gros que ses congénères, et déjà atteint par quelques flèches, les entraîna à sa poursuite. Il tourna autour des chevaux et finit par atteindre l’animal monté par Gérald, qui se cabra et tomba sur le sol.

Les autres cavaliers, alarmés à la vue de cet accident, accoururent au secours de Gérald, et l’oiseau blessé, profitant de l’opportunité qui lui était offerte, regagna le troupeau de ses congénères, au grand déplaisir des chasseurs.

Le cheval de Gérald ne tarda pas à se relever son cavalier n’était nullement blessé, mais le coursier avait reçu de l’émeu un coup de patte si terrible, qu’Arthur vit avec désespoir qu’il faudrait retarder le départ de la caravane pour donner à la bête le temps de se rétablir, en admettant que cela fût possible.

Max Mayburn profita de l’occasion pour adresser une leçon à ses enfants et aux autres chasseurs. Non seulement ils étaient restés « bredouilles », mais encore ils étaient cause des souffrances d’une bête utile, indispensable en ce moment-là.

« Il faut au moins un jour de repos à votre cheval, dit Wilkins à Gérald. Voyons ! il s’agit de sonder l’horizon et de savoir si nous ne sommes pas poursuivis. »

Hugues et Gérald allèrent à la découverte, et montèrent au sommet d’un figuier placé en vedette à l’entrée d’un bois.