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VOYAGE

fuite était impossible. D’ailleurs, on leur avait enlevé leurs flèches et leurs arcs. Wilkins seul était parvenu à garder son couteau caché sous son gilet. Au milieu de la route à parcourir, quelques femmes noires se joignirent au cortège, toutes plus horribles les unes que les autres, qui cherchaient à dépouiller les femmes de la caravane Mayburn de leurs vêtements, quelque usés qu’ils fussent.

Marguerite chercha alors des yeux Baldabella, et s’aperçut qu’elle avait disparu, elle et son enfant. Elle se rappela alors que, la nuit précédente, la mère de Nakina s’était couchée plus loin du campement que d’habitude, et elle conclut que la peur de ses compatriotes avait été plus forte chez la sauvagesse que l’amitié qu’elle portait à ses bienfaiteurs. Du reste, aux yeux de la fille de Max Mayburn il valait mieux que Baldabella se fût échappée ; de cette façon, il n’y avait pas d’inquiétude à concevoir à son sujet : elle savait comment échapper à la faim, et elle rejoindrait sans doute ses amis quand ils seraient hors des mains des bandits.

On conduisit les prisonniers à une distance d’environ trois milles, au milieu d’une ravissante vallée où s’élevait un amas de huttes, sur le bord d’un ruisseau limpide. Un troupeau de bœufs paissait dans un gras pâturage, et l’on voyait en compagnie de ces ruminants quelques chevaux entravés de façon à ne pouvoir pas fuir.

Des enfants nus s’ébattaient sur le gazon, criant et riant ; des femmes s’occupaient à casser des noix ou à fabriquer des filets : enfin quelques vieilles mégères, assises par terre, la tête appuyée sur les genoux, humaient l’air et se chauffaient au soleil.

Ce spectacle de la vie pastorale était le premier que les naufragés eussent été à même de contempler depuis leur arrivée en Australie. Il eût flatté particulièrement leur goût s’ils n’avaient pas été prisonniers ; mais la situation de Max Mayburn et des siens était navrante ; car les façons d’agir menaçantes des coquins qui les entouraient et les conduisaient brutalement, comme ils avaient dû le faire du bétail qu’ils avaient volé, les remplissaient de terreur. On conduisit les otages dans une cabane d’écorce située à l’extrémité du village, laquelle était ouverte sur le devant, et excessivement malpropre à l’intérieur.

N’importe ! cet abri les séparait de leurs geôliers : c’était l’essentiel. Tous se laissèrent retomber sur le sol et se mirent à réfléchir sur leur triste situation. Pendant ce temps-là, les noirs et les deux convicts tenaient conseil, afin de savoir quel serait le meilleur parti à tirer de leur capture.

Quelques instants après, le convict Bill se présenta devant les prisonniers.

« Nous avons décidé que l’un de vous se rendrait chez les Deverell avec notre « ambassadeur ». Nous demandons cent livres sterling pour votre rançon en monnaie ayant cours mais si, au lieu d’argent, on ne nous donne que des marchandises et de l’eau-de-vie, nous exigeons la valeur de deux cents livres. Rien n’est plus difficile que de se débarrasser des marchandises dans les bois de ce pays. Je conseillerai à tous ceux qui m’écoutent de ne pas s’écarter de la hutte ; car mes compagnons sont méchants, particulièrement lorsqu’ils ont bu. »