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AU PAYS DES KANGAROUS

meure de votre maître. Là nous serons à même de vous récompenser libéralement.

— Merci, répliqua le convict, qui ricanait d’un air sinistre. Mais nous ne nous sommes pas quittés bons amis, mon maître et moi, et je n’ai pas la moindre fantaisie de retourner près de lui. M. Deverell se croit trop gentilhomme pour soigner les bestiaux lui-même. Or, comme nous voulions qu’on nous aidât et qu’il s’y refusait, mon frère et moi nous l’avons quitté pour nous établir à notre compte.

— Voilà ce que c’est, dit Davy, qui se montra à son tour.

— Hé quoi ! vous aussi, Davy ! s’écria Max Mayburn.

– Mais oui ! me voilà, dit ce dernier en baissant les yeux. Je vais vous dire comment nous nous sommes enfuis dans les bois. Bill s’était abouché avec une tribu de noirs qui se tenaient sur les confins de la colonie ; moi je ne voulais pas m’en aller ; mais, profitant d’une absence de notre maître, Bill amena les sauvages et me força à leur livrer les bestiaux de M. Deverell. Je fus obligé de m’en aller aussi. Je connais bien tout ce monde-là maintenant, et je vous engage, si vous avez de l’argent, à le leur offrir, car autrement il pourrait vous arriver malheur. Ce sont des bandits, je vous l’affirme, et je m’y connais.

— Mais, mon pauvre garçon, ajouta Max Mayburn, à quoi sert l’argent à ces hommes-là, dans le désert qu’ils habitent ?

— Ça, c’est notre affaire, répliqua Bill. Allons ! ouvrez vos bourses, mes braves gens, et permettez à d’honnêtes coquins comme nous de transformer votre or en flacons remplis d’eau-de-vie.

— Mais c’est une attaque sur les grands chemins, malheureux ! observa Arthur en s’adressant au convict, et vous savez quelle est la loi. Voyons ! je vous en conjure, revenez à de meilleurs sentiments. En somme, nous n’avons pas un centime dans nos poches. Mais nous avons des lettres de crédit sur Calcutta et sur Melbourne. Si nous arrivons dans cette dernière ville, il nous serait possible de faire accepter notre signature contre des sommes en or. Il y a quinze jours, une tribu de sauvages nous a dépouillés de tous nos bagages et de nos armes à feu. Nous ne possédons, hélas ! plus rien. C’est l’exacte vérité. Le plan le plus sage serait de nous laisser aller sans nous faire du mal. Vous et votre frère nous accompagneriez chez notre ami Deverell, et je suis sûr que, par notre influence, il vous pardonnerait à tous deux.

— Pas si bête, répliqua le convict Bill. Allons ! tous vos discours n’aboutissent à rien de bon. Si vous n’avez pas d’argent vous valez de l’argent. Vous allez nous suivre jusqu’à notre campement. Là vous écrirez sous ma dictée, car j’ai toujours avec moi du papier, des plumes et de l’encre c’est mon habitude. Un des noirs, qui baragouine l’anglais, ira porter la lettre à M. Deverell, qui lui remettra ou des marchandises ou de l’argent pour votre rançon. Lorsque j’aurai, dans les mains de l’alcool et des cigares, je vous rendrai la liberté. »

Il était inutile de vouloir faire la moindre objection aux projets des « coureurs des bois ». Les malheureux prisonniers suivirent donc les deux frères, entourés par une troupe de sauvages si nombreuse, que toute tentative de