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AU PAYS DES KANGAROUS

— Essayons tout au moins d’appointer des roseaux pour nous servir de lances et nous défendre au besoin, ajouta Arthur. Et dans le cas où nous rencontrerions un kangarou, des wombats ou autres animaux.

— Excellente idée observa Marguerite ; mais qu’est devenu notre radeau ? il était fait avec des bambous tout coupés.

— Et mes clous que j’avais employés à fixer les traverses ! s’écria Jack. Hélas le radeau aura été emporté par le courant. »

Rien n’était plus vrai, la frêle embarcation avait disparu en aval du fleuve. Il fallut que les voyageurs se résignassent à marcher à travers les buissons souvent inextricables, ou parmi les canniers aux feuilles tranchantes.

De l’autre côté de l’eau l’incendie continuait, rallumé par le vent, et laissant derrière lui un terrain noirci et fumant.

À la fin, la fatigue et le besoin de manger forcèrent les voyageurs à s’arrêter au milieu d’un hallier de bambous, et tous se regardèrent avec une expression de tristesse indéfinissable. Baldabella fut la première à relever le courage de ses compagnons. Elle se rendit sur la rive du fleuve, et revint bientôt avec un énorme poisson et une grande quantité de moules d’eau douce.

On se hâta d’allumer du feu, et sur les charbons ardents on grilla la « morue de rivière », par tranches, de façon que chacun eût sa part. Le souper fut aussi confortable que possible, et l’on se coucha sous un abri de bambous. Chacun dormit malgré la fraîcheur de la nuit.

Plusieurs jours se passèrent, pendant lesquels les naufragés du Golden-Fairy longèrent les rives du fleuve et se contentèrent de leur nourriture de poissons. Enfin l’on trouva des rochers qui encaissaient le courant d’eau de telle façon, qu’il était souvent difficile de se procurer la provende indispensable aux repas.

On rencontra plus loin de grands arbres et des plaines verdoyantes, qui, même à cette époque hivernale de l’année, étaient couvertes de fleurs. Les jeunes gens rencontrèrent des traces de kangarous, et aperçurent souvent des oiseaux qui leur pronostiquaient une diversion dans la nourriture. Il ne s’agissait plus que de façonner les engins indispensables pour atteindre les animaux et les habitants de l’air.

Jack fut le premier à indiquer un arbre à écorce textile dont chacun s’empressa de prendre sa part, afin de fabriquer des cordes avec ses excellentes fibres.

Hugues, ayant achevé le premier l’arrangement de son arc, visa deux pigeons et eut l’heureuse chance de les abattre. Il passa ensuite à l’attaque des kakatoès, si bien que, quand l’approvisionnement fut complet, on pluma les bêtes, on les flamba et on les confia à Jenny Wilson, qui les fit cuire, coupées en morceaux, dans des écailles de moules ; ce qui offrit un ragoût assez appétissant aux pauvres affamés.

Le repas achevé, chacun se mit à fabriquer des arcs et des flèches ; Baldabella elle-même, excellant dans l’art du cordier, prépara toutes les ficelles destinées aux armes de ses protecteurs. Lorsqu’on se remit en route, ce fut avec une entière confiance dans l’avenir, car chacun pouvait à la fois se défendre et subvenir à ses besoins.