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VOYAGE

marteau improvisé firent le reste. Une demi-heure suffit pour achever ce travail.

Pendant que les jeunes gens s’occupaient de la sorte, l’incendie s’était apaisé aux environs du fleuve, et Wilkins, qui en explorait les bords, découvrit trois autres cadavres calcinés. Hugues et Gérald avaient ramassé plusieurs oiseaux rôtis sur leurs nids, ces pauvres bêtes ayant été surprises par l’explosion. Ils les écorchèrent, et leur chair fournit un repas suffisant pour toute la famille.

« Plût à Dieu que nous eussions sauvé les cordes ! » s’écria Jack.

Mais, hélas ! ces auxiliaires de la navigation étaient perdus, et rien ne pouvait les remplacer sur ce sol calciné ; il fallut recourir aux deux nageurs pour diriger le radeau. Marguerite tenta la première le passage, conduite par Jack d’un côté, et de l’autre par Wilkins. Ils avaient pied en certains endroits, ou bien ils se mettaient à la nage. Cette frêle construction toucha enfin l’autre rivage, lequel, comme celui qui avait brûlé, était couvert de bambous et de roseaux.

Max Mayburn, Jenny Wilson et Ruth traversèrent à leur tour. Quant à Baldabella, tenant son enfant sur ses épaules et n’oubliant pas son épieu de chasse, elle se jeta hardiment à la nage. Arthur la suivit, et insista pour qu’elle acceptât sa main, dans les passages difficiles, aux endroits où le courant était rapide.

Hugues et Gérald avaient inutilement poursuivi leurs recherches sur les lieux du désastre, et, n’ayant rien trouvé, ils étaient allés rejoindre leurs compagnons d’infortune.

Une fois réunis ensemble, les courageux voyageurs traversèrent la haie de bambous et de roseaux qui obstruait la rive. Quelle ne fut pas leur terreur en apercevant le paysage désolé qui s’offrit à leurs yeux !

« Hélas ! murmura Max Mayburn, Dieu nous a jetés au milieu de cette contrée perdue, sans forces, sans moyens de vivre ; lui seul peut avoir pitié de nous. Déjà sa providence nous a tendu une main secourable en nous délivrant de la mort dont les sauvages ont été frappés à nos côtés ; le Seigneur nous sauvera de la famine. Ayons confiance en lui. Prions tous, mes enfants, mes amis, et nous serons sauvés. »

Tous à la fois, le convict, la pauvre Baldabella et son enfant, joignirent les mains et se mirent à genoux.

« Essayons de suivre le cours de la rivière, dit Marguerite ; de cette façon nous ne serons point menacés de mourir de faim ou de soif. J’ajouterai même qu’une intuition secrète m’engage à suivre cette route.

— Et d’ailleurs nous aurons toujours du poisson, fit Wilkins. On se lasse de tout, c’est possible, mais non pas lorsqu’on a faim. »

Au moment où ces paroles étaient prononcées, deux magnifiques pigeons au plumage couleur de bronze qui revenaient de boire à la rivière passèrent en volant au-dessus de la tête des malheureux. Ni les uns ni les autres n’avaient de moyen de les atteindre ; mais ils furent joyeux de voir ces oiseaux, cela leur prouvait que ce pays était habité par des animaux.

« Ne pourrions-nous pas fabriquer des arcs et des flèches avec ces bambous ? nous n’aurions plus qu’à nous procurer des cordes, fit Hugues.