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AU PAYS DES KANGAROUS

faillit se faire étrangler mais Marguerite s’avança et défit le ruban, pour que le noir qui convoitait ce chiffon pût en jouir à son aise.

O’Brien, pour ne pas céder aux injonctions d’un naturel, avait jeté son feutre dans le courant du fleuve, où le noir se précipita à la nage afin de le rattraper ; ce sauvage, ayant alors découvert les canots, appela ses camarades pour examiner ce genre de locomotion aquatique.

Tandis que ceci se passait, d’autres indigènes dévoraient la cuisine de Jenny Wilson. Tout le poisson y passa, même celui qui n’était pas cuit.

Un de ces maraudeurs découvrit le châle de la cuisinière et s’en couvrit les épaules ; tandis qu’un autre, arrachant à Ruth un manteau de fourrure dont elle s’était revêtue afin de cacher sa cage à poules, aperçut ces deux oiseaux et examina avec la plus grande curiosité ces volatiles inconnus.

« Baldabella, dis-leur de ne pas leur tordre le cou, s’écria la jeune fille : apprends-leur que chaque jour elles pondent un œuf, et que ce sont des bêtes apprivoisées. »

La malheureuse négresse, en proie à la plus vive terreur, se cachait derrière tout le monde : ce fut Marguerite qui se chargea d’expliquer aux noirs la valeur des volailles, en leur montrant les œufs et en caressant les bêtes, qui se laissaient faire.

L’homme qui s’était emparé des poules fit la grimace, comme pour montrer qu’il comprenait l’explication ; il avala le contenu des œufs, et s’éloigna en emportant la corbeille, laissant Ruth désespérée.

Au moment où ceci se passait, Arthur se montra émergeant du milieu des canniers et ne put réprimer son étonnement à la vue de la troupe de noirs qui entourait son père, sa sœur, son frère et les trois femmes. Avant d’avoir pu se reconnaître, quelques naturels l’entouraient, lui arrachant son fusil, son chapeau, et un sac rempli de pigeons, qu’il avait placé sur ses épaules.

« Baldabella, dit-il à la négresse, demande au chef de la tribu ce qu’il veut et ce qu’il compte faire. Nous allons volontiers lui donner nos oiseaux, nos couteaux et des haches ; mais il faut qu’il nous laisse libres, et qu’ils se retirent ; lui et les siens, en nous laissant nos canots et nos fusils. »

Ce fut avec appréhension que Baldabella s’avança près du chef et lui traduisit les paroles de l’aîné des Mayburn ; elle parlait avec humilité et soumission. Le chef éleva la voix, et Baldabella tremblait en répétant les paroles de cet homme.

« Le visage noir dit qu’il prendra tout ; il est fort en colère. Les bons visages blancs doivent se retirer et courir bien loin, tout de suite car beaucoup de noirs vont venir, tous très irrités contre les étrangers qui mangent poissons, oiseaux, animaux, tout, tout. Partez vite, maître, mademoiselle, bons amis, hâtez-vous. »

Il n’y avait pas à s’y méprendre mais en pareille situation il était difficile de s’en aller rapidement. Wilkins et Jack, qui étaient survenus, avaient également été pris par les sauvages, désarmés et maintenus. L’attaque avait été si rapide, qu’ils n’avaient pas même songé à se défendre. Jack