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VOYAGE

garde. Baldabella s’en alla pêcher et rapporta de très beaux poissons, que Jenny et Ruth nettoyèrent et firent cuire.

La soupe au poisson commençait à bouillir et répandait une odeur des plus agréables. Déjà Nakina se réjouissait en songeant au repas, lorsque Baldabella, se levant d’un seul bond, prit le bras de Marguerite, à qui elle fit signe de prêter l’oreille.

« Baldabella a l’ouïe fine, Miss, dit-elle, elle entend venir les noirs ; ils sont nombreux, et mangeront tout le monde, y compris Nakina. »

Tandis que la pauvre négresse saisissait son enfant dans ses bras, les coo-ee des naturels se firent entendre à peu de distance.

Les deux jeunes gens qui se trouvaient à quelques pas au milieu des bambous, cherchant des nids et des œufs, revinrent en courant et supplièrent Max Mayburn et Marguerite de monter au plus vite dans les embarcations et de pousser au large.

Mais le vieillard déclara qu’il ne voulait pas abandonner les trois chasseurs.

« Dans ce cas, il faut tenter une sortie pour les ramener, fit Gérald ; il n’y a pas de temps à perdre. Arthur et Wilkins ont emporté les deux fusils, mais nous avons nos arcs et nos flèches.

— J’aime à croire qu’eux aussi ont entendu les coo-ee des indigènes, observa Hugues, et qu’ils sont en route pour revenir. Voyons, Jenny, nous mangerons le poisson froid. Éteignons vite le feu. »

Ruth s’empara d’un seau d’eau, le remplit, et se hâta d’obéir à cet ordre. La colonne de fumée qui s’éleva aussitôt indiqua d’une façon précise l’emplacement où se trouvaient les voyageurs, et les noirs poussèrent des coo-ee répétés en signe de joie.

« Ah ! ma pauvre Ruth, dit le cadet des Mayburn, tu viens de donner un vrai signal avec cette « fusée ». Vite, mon père, vite, Marguerite, dans les canots nous serons plus en sûreté que sur le rivage.

— Je ne le pense pas, répliqua le vieillard, car l’eau est fort basse en cet endroit, et les noirs arriveront facilement à nous. D’ailleurs je n’entends pas abandonner mon fils, Jack et Wilkins. »

Des cris stridents et le bruit des roseaux brisés empêchèrent le brave homme de continuer. Les jeunes gens se disposaient à tirer quelques flèches mais Marguerite s’y opposa, et Max Mayburn leur enjoignit de rester tranquilles, car il ne voulait pas que l’agression commençât de son côté. Du reste, toute défense eût été inutile ; car, quelques minutes après, une bande de naturels, armés d’arc, entoura complètement les naufragés du Golden-Fairy.

Un coup d’œil jeté à ces noirs suffit pour les convaincre que les indigènes présents n’étaient point hostiles, comme on pouvait le craindre. Les paroles qu’ils prononçaient ressemblaient plutôt à des paroles d’étonnement qu’à des signes de colère.

Un de ces moricauds s’empara du chapeau de paille de Marguerite, et le plaça sur sa tête, ce qui fit rire ses camarades, et, à son exemple, ils s’approprièrent les couvre-chefs de tous les « visages blancs » lesquels n’y mirent aucun obstacle. Ruth seule noua son bonnet sous son menton et