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AU PAYS DES KANGAROUS

Et Ruth se glissa vers l’ouverture, afin de voir, si faire se pouvait, quel serait le sort de ses pauvres volailles.

Ce qui devait arriver arriva. Les convicts se ruèrent sur le poulailler, et tandis que deux des « gélines » de Ruth s’envolaient dans les buissons, un des hommes s’emparait du coq, lui tordait le cou de rage et de fureur.

À ce cruel spectacle, la malheureuse Ruth ne put se contenir : elle poussa un cri déchirant. Jenny s’était précipitée sur la jeune fille pour comprimer ces sons intempestifs, déclarant qu’elle allait l’étrangler.

« C’est fini maintenant, s’écria Wilkins ; allons, il s’agit de nous défendre ; armons nos fusils et visons juste.

— Ne tirez pas sur des ennemis qui se montrent à vous et ne vous voient pas, observa Max Mayburn ; ce ne serait pas loyal.

— Voyons, mon père, répliqua Hugues, ces convicts viennent nous attaquer, nous avons le droit de les repousser. Leur intention est de nous mettre à mort, empêchons-les de nous tuer. »

Le moment suprême était arrivé, car les convicts avaient entendu les cris poussés par la jeune fille.

Ils se ruèrent donc du côté de la grotte, et à coups de pierre et de bâton, s’efforcèrent de pénétrer dans l’intérieur. Une volée de coups de feu et une grêle de flèches les firent reculer ; mais, quand cette première décharge eut été essuyée, les misérables revinrent à l’attaque. Cette fois, les prisonniers de la caverne visèrent les assaillants, et deux des convicts tombèrent morts, ou du moins dangereusement blessés.

Les « coureurs des bois » se retirèrent aussitôt à une certaine distance pour tenir conseil, loin des oreilles des voyageurs. Quelques instants après, un homme à la figure hideuse se mit à crier d’une voix menaçante :

« Lâches que vous êtes ! montrez-vous donc, ou bien nous allons vous forcer à vous rendre à merci. Voyons ! nous vous traiterons bien, et si vous n’avez pas d’argent, nous attendrons que vous vous en soyez procuré pour payer votre rançon. Dans le cas contraire, si vous refusez, nous vous prendrons à la fin, et vous serez tous pendus, l’un après l’autre.

— Malheureux égarés, répliqua Max Mayburn, vous menacez de mort vos semblables ; que dis-je ? par bonheur, nous sommes des gens qui n’avons commis aucun crime, ni contre Dieu ni contre la société. Prenez garde ! Dieu nous protège.

— Allons exclama le convict, il y a un missionnaire dans la cachette de ces gentlemen. N’importe ! ses bons discours ne nous touchent guère.

— Nous ne vous voulons pas de mal, fit Arthur, mais nous ne sommes pas des lâches, et nul d’entre nous ne souhaite pactiser avec des convicts. D’autre part, nous n’avons rien à vous donner ; car, malheureux naufragés, nous n’avons sauvé que nos fusils, qui nous servent à défendre notre existence et à protéger notre liberté. Laissez-nous tranquilles, et nous ne songerons pas à vous inquiéter. Sachez bien encore que vous n’êtes pas en nombre pour nous soumettre.

— Nous verrons bien, répliqua le convict. Dans quelques heures, nous vous enfumerons comme des renards ou nous vous ferons mourir de faim. »