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VOYAGE

« vallée solitaire » il n’en fut rien ; c’était du côté opposé qu’elle cherchait à fuir ses agresseurs.

« Quand je me crus seul, je mis le nez hors de mon trou, et je vis les convicts poursuivant toujours l’oiseau blessé dans la partie de la montagne par laquelle ils étaient venus. Je repris alors courage, et me hâtai de descendre de ce côté le plus vite qu’il me fut possible. Voilà l’histoire. Ne penses-tu pas, Arthur, que nous sommes en danger ?

— Parbleu ! répliqua celui-ci. Le mieux que nous puissions faire est de rester enfermés aussi longtemps que ce sera possible. Au cas où nous serions découverts, nous nous battrons jusqu’à la mort. Nous possédons des armes, des fusils, des flèches, des épieux ; nous sommes dans une forteresse inexpugnable. Si ces hommes ne sont pas plus de six, ils ne peuvent rien contre nous.

— Avons-nous des provisions suffisantes, Jenny ? demanda Gérald à la cuisinière.

— Oui, monsieur O’Brien, reprit celle-ci ; de la viande desséchée, de la farine d’avoine, des seaux pleins d’eau.

— Cela suffira, répondit Wilkins. Voyons, monsieur Arthur, qui va se servir des fusils ?

— Vous et moi.

— Merci de cette confiance, Monsieur ; je vous montrerai que j’en suis digne.

— N’oubliez pas que c’est moi qui commanderai le feu.

— C’est convenu, fit le convict.

— Il ne faut pas assassiner ces malheureux : on pourrait peut-être les ramener au bien.

— Quelle plaisanterie ! monsieur Mayburn ; vous ne connaissez pas ces bandits. Moi je sais mieux que vous ce qu’ils pensent et ce qu’ils veulent.

— Mais quel est ce bruit ? » dit alors le vieillard.

On entendait des blocs de pierre rouler du haut de la montagne en bas. Arthur recommanda le silence, car il était important de ne point trahir la présence des voyageurs dans ces parages.

L’on entendait les voix des convicts dans la « vallée solitaire. » Ils blasphémaient, suivant leur usage, et Max Mayburn se mit à prier Dieu pour qu’il sauvât ses enfants et ses amis des mains de ces mécréants.

« Bon ! bon ! criait l’un des convicts. Voici des traces irrécusables du passage de ces gens-là ; il y a une femme dans le nombre. J’ai trouvé les marques des talons de ces souliers.

— Ils sont donc plusieurs ? » demandait un second coureur des bois.

Les convicts couraient de tous les côtés, explorant minutieusement la vallée, se glissant au milieu des buissons, entre les rochers ; ils allaient enfin se retirer après une recherche inutile, lorsque le coq de Ruth, reconnaissant l’erreur dans laquelle on l’avait induit, commença à chanter dans la grotte où on l’avait enfermé.

Les bandits poussèrent des hourras qui exprimaient la surprise et la joie, tandis que les prisonniers de la grande caverne murmuraient à voix basse :

« Nous sommes trahis ! »