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VOYAGE

changer leur bétail pour des barils de liqueurs. Laissons-les partir ; mieux vaut aller sur leurs talons que les précéder.

— Wilkins est dans le vrai, répliqua Arthur. Rien ne nous empêche de rester quelque temps dans ce vallon solitaire et isolé où nous sommes si confortablement établis. Nous avons du grain et de l’eau en abondance, les pigeons et les kakatoès semblent nous prier de les mettre à la broche, notre provision de miel est copieuse, notre récolte de thé et de café australien plus que suffisante, nos demeures sont saines et aérées : en agissant avec prudence, nous pourrons nous éloigner à de petites distances, pour varier notre ordinaire avec du gibier, quand cet énorme kangarou aura été dévoré. Pourquoi ne ferions-nous pas sécher une partie de la bête au soleil, comme le font les Américains du Sud, pour faire du charqui ?

– C’est là une excellente idée, mon cher Arthur, répliqua Max Mayburn. De cette façon, nous ne serons pas prodigues des bienfaits de la Providence. Autant qu’il m’en souvient, d’après mes lectures, il faut couper la chair en petites tranches minces. Essayons. Tout d’abord il faut écorcher l’animal.

— C’est déjà fait depuis ce matin, répliqua Hugues. La peau est bien lavée, tendue sur des baguettes de bois et mise à sécher. Nous la frotterons avec de la graisse afin de la rendre douce et malléable. De cette façon, nous aurons une couverture ou un manteau de grande valeur.

— Parfait, mon fils. Mais comment allons-nous couper de larges tranches bien minces ? Les os, la forme de l’animal, présentent de grandes difficultés pour cela.

— Laisse faire, mon cher papa, observa Marguerite : voilà Wilkins qui sait comment s’y prendre ; n’est-il pas vrai ? »

Chacun se mêla de l’opération, à laquelle on donna des soins extraordinaires ; puis on suspendit ces tranches à des épines d’un arbre exposées à un soleil incandescent, même à cette époque de l’année. Quand la chair fut ratatinée et séchée, on la comprima dans des sacs de jonc tressés par Marguerite.

Les jours s’écoulèrent ainsi au travail sans la moindre alerte, et Gérald, grâce aux bons soins qu’on lui prodigua, fut promptement guéri.

Ruth ne se ressentait plus de sa blessure.