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AU PAYS DES KANGAROUS

Au milieu de la route pénible, un hallao ! se fit entendre, poussé par Jack, qui était accouru à la rencontre des égarés. Le brave garçon avait apporté un seau d’eau, et l’on fit halte pour se rafraîchir et reprendre des forces.

Toute fatigue fut oubliée lorsque la caravane arriva dans la vallée, où Max Mayburn et Marguerite pleurèrent de joie. Jenny Wilson n’oublia pas de qualifier les jeunes chasseurs de méchants garçons ce qui ne l’empêcha pas de les soigner de son mieux et de leur offrir pour nourriture un ragoût de kakatoès, assaisonné avec des plantes qui ressemblaient à du persil et à de la marjolaine, et un plat de pois ramassés par Wilkins sur le bord de la rivière.

« Il ne faut pas négliger de placer une sentinelle près de la route qui conduit ici, dit Hugues à son frère. Je suis certain qu’on est sur nos traces, et c’est un miracle que nous soyons rentrés sans être attaqués

— Qui donc est à nos trousses ? demanda Wilson. Serait-ce ce misérable Black Peter ?

— Pis encore ! ma chère Jenny ; ce sont une douzaine de coquins du même acabit. Ne vous désolez pas ainsi ! Assieds-toi là, Marguerite. Venez ici, mon père, je vais vous raconter ce qui est arrivé.

« Cet énorme kangarou nous avait entraînés pendant plusieurs heures à sa poursuite, bondissant comme un cheval de course quand nous le tenions à la portée de nos flèches. À la fin, ce manège nous exaspéra. Nous convînmes aussitôt, Gérald et moi, de nous séparer et d’attaquer la bête de deux côtés à la fois, afin de la forcer de s’arrêter. Le plan était excellent et nous réussit à merveille. Nous acculâmes l’animal jusque dans cette forteresse escarpée où Arthur nous a découverts. Il bondissait entre les rochers ; mais nous gardions l’issue de la caverne, et il lui était impossible de nous échapper aussi tomba-t-il dans un coin percé par une flèche qui l’avait atteint aux flancs. J’engageai Gérald, qui voulait l’achever, à attendre qu’il eût perdu ses forces mais le méchant garçon ne m’écouta pas, et, tirant son couteau de sa gaine, il se jeta sur le kangarou. Je m’apprêtai à lui donner assistance. Il était temps ! La bête mourante se releva, et, se jetant sur moi, me fit choir par terre avec ses pattes de devant. Gérald, au même moment, lui plongeait son couteau dans la poitrine ; mais, d’un coup lancé par son terrible train de derrière, le kangarou déchirait la peau de mon pauvre ami et le meurtrissait cruellement.

« Je me relevai aussitôt, et j’achevai la bête. Je ne recommencerais pas une pareille boucherie pour tout l’or du monde il me semblait que je tuais un homme. Je me tournai aussitôt du côté de Gerald. Oh ! Marguerite, si tu l’avais vu, son sang coulait à flots, et je ne me sentis un peu rassuré que lorsque j’eus pansé sa plaie. Le pauvre garçon mourait de soif. Où trouver de l’eau ? Je courus à la recherche d’une source, regardant, épiant autour de moi partout où je passais. Je me hissai enfin sur un rocher, et me mis à regarder de tous côtés, jusqu’à ce que j’aperçus un vol d’oiseaux rassemblés à la même place, mais à une très grande distance. C’est à cet endroit que je dois aller, me dis-je et je me mis à arpenter le terrain comme un fou, sautant par-dessus les pierres et les buissons, jusqu’au