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AU PAYS DES KANGAROUS

de serviteurs connaissant tous un métier celui-ci l’état de charpentier, celui-là la profession de serrurier ; cet autre était draineur, son camarade berger, etc. etc.

Tous ces ouvriers, ayant emmené avec eux leurs femmes et leurs enfant, formaient une troupe considérable, sous la conduite d’un homme très capable d’utiliser leurs talents divers. Le navire nolisé par M. Édouard Deverell contenait une très grande quantité de matériaux, de provisions et de marchandises de toutes sortes, qui devaient être très utiles aux émigrants sur le sol de l’Australie.

Les familles Mayburn et Deverell furent attirées l’une vers l’autre par des affinités de sentiments et une conformité de goûts. Bientôt ils devinrent tous d’excellents amis on eût dit qu’ils se connaissaient de très longue date.

Edouard Deverell, dont l’expérience était fort grande, avait rendu tous les services imaginables à ses compagnons de voyage ; il eût bien désiré voir les Mayburn changer leur but d’émigration, et choisir l’Australie, au lieu des grandes Indes, pour leur prochaine résidence.

« Comme je souhaiterais, chère demoiselle, disait un jour M. Deverell à Marguerite, vous voir conseiller à votre père de se joindre à nous, pour coloniser dans notre concession ! Avec ses connaissances en agriculture, il nous rendrait d’éminents services, et nous ne nous quitterions plus. D’ailleurs le climat de l’Australie est fort salubre, tandis que celui de l’Inde ne passe pas pour l’être. Que ma sœur Emma serait aise de ne plus vous quitter, elle qui n’a jamais éprouvé l’affection qu’elle ressent depuis qu’elle vous connaît ! Notre mère est très souffrante, et ne peut s’occuper de son éducation comme elle le voudrait. Ah ! miss Mayburn, vous êtes si bonne, que je souhaiterais voir ma sœur prendre leçon de vous.

— Je serais très heureuse aussi d’avoir une amie, et Mlle Emma m’a inspiré la plus cordiale tendresse ; mais, hélas ! mon père a résolu de se rendre à Calcutta : il a des lettres pressantes de recommandation pour les gens les plus notables de ce pays ; et vous comprenez qu’il serait difficile de lui faire changer d’avis.

— Cela est sans doute très vrai, chère demoiselle ; mais n’importe ! vous devriez essayer de faire entendre raison à M. Mayburn. Voyez, vos frères et les miens sont en parfaite harmonie. Tous les ouvriers que j’emmène avec moi sont devenus leurs amis. Le pays australien les intéresserait bien plus que le territoire aride et inhospitalier des grandes Indes. »

Marguerite se dit à part elle que si son père entendait les arguments avancés par M. Deverell, il pourrait peut-être changer sa détermination de poursuivre sa route jusqu’à Calcutta ; mais elle n’en pria pas moins son nouvel ami de ne rien faire pour le dissuader. Le passage était payé : il fallait atteindre Calcutta.

Cependant la jeune fille promit à M. Deverell d’user de toute son influence sur son père pour le ramener à Melbourne, et de là à la plantation qu’allait fonder leur compagnon de voyage, si, — comme tout le faisait prévoir, — le climat, l’atmosphère et le sol des grandes Indes ne répondaient pas aux vues de colonisation rêvées par l’auteur de ses jours.

De son côté, M. Deverell promit à Marguerite de laisser à Melbourne,