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VOYAGE

Marguerite, très effrayée de ce qu’elle venait d’apprendre, se hâta d’en faire part à ses frères, et Arthur se dirigea vers les bois pour aller en reconnaissance. Caché dans un buisson, il vit venir dans la direction du camp une troupe d’hommes qui, dans le lointain, semblaient suivre une piste, les yeux baissés, examinant le sol, ce qui lui fit croire que ces gens-là n’avaient pas entendu la voix de Ruth.

Il retourna donc en toute hâte vers son père et ses amis pour leur rendre compte de ce qui se passait.

« Ils sont sur nos traces, indubitablement, fit Wilkins. Hâtons-nous de partir ; nous pouvons encore, en ramant ferme, avoir de l’avance sur eux, emportés comme nous le sommes par le courant, qui va très vite.

— Je vais faire sentinelle pendant que vous arrimez les bagages dans le bateau, dit Marguerite. Où faut-il me cacher, Wilkins ?

– Là derrière ce gros buisson, répondit le convict. Tenez, il y a précisément un trou dans la terre quand vous les verrez près d’ici, appelez-nous. »

Lorsque Marguerite poussa le cri d’alarme, on entendit ces mots :

« Arthur ! Wilkins ! Dieu nous protège ! Où fuir ? ces misérables viennent de mettre le feu à la jungle. »

En effet, les naturels, profitant d’un vent du nord qui venait de se lever, avaient incendié les herbes desséchées, moyen de détruire qu’ils emploient très souvent. Les flammes s’élevaient avec force et s’avançaient rapidement du côté du campement.

Par bonheur, les jeunes gens avaient arraché toutes les herbes à l’endroit où ils avaient passé la nuit et sur le bord de la rivière où ils achevaient la construction des canots ; ils se hâtèrent de couper les buissons encore trop rapprochés et de les jeter à l’eau ; mais, hélas ! il restait encore quelques grands arbres qui, prenant feu et s’abattant par terre, devaient infailliblement les atteindre.

Les essences résineuses craquaient et pétillaient dans la forêt ; il n’y avait pas un instant à perdre si l’on voulait éviter l’atteinte de la conflagration. Des volées de kakatoès de perroquets et de pigeons tourbillonnaient dans l’espace ; des troupes d’opossums fuyaient de toute part hors de leurs retraites buissonneuses.

Un canot venait d’être lancé à l’eau, portant les femmes et les bagages. Max Mayburn et Hugues le dirigeaient avec leurs rames. Déjà cette embarcation avait été transportée par le courant à une assez grande distance, et ceux qui s’y trouvaient s’étaient arrêtés pour attendre le reste de la caravane, lorsque le second canot, quoique inachevé, fut mis en mouvement et parvint à l’endroit où était le premier.

On fit halte pendant quelques instants peur examiner les résultats de l’incendie, derrière lequel se montraient les formes hideuses des sauvages, ayant avec eux le bandit Black Peter, qui se démenait comme un démon.

« Ils n’ont pas encore trouvé les coureurs des bois, observa Wilkins. Tant mieux, de toute façon ; car alors, montés sur des chevaux, ils auraient pu nous poursuivre à outrance. »

Le fleuve, grossi par les pluies, avait un courant très rapide, et avant