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VOYAGE

gulier et artistement façonné. Tout autour de son nid, l’oiseau avait déblayé le terrain, et les buissons qui s’y trouvaient servaient à élever cette construction fragile. Si la partie inférieure du nid paraissait dégradée et abaissée, le sommet était garni de branches nouvelles et parfaitement élaguées.

« Tout porte à croire que cette pyramide de fagots date de quelques années, observa Max Mayburn. Les télégalles du canton se sont associés pour fabriquer ce monument, destiné à l’incubation de leurs œufs. J’hésite à déranger un travail qui a coûté tant de soins à ces êtres emplumés. Essayons toutefois de découvrir une partie de ce nid, pour mieux voir la façon dont il est fait au centre. »

Les jeunes gens montèrent au sommet du bûcher, élevé d’environ cinq pieds, et après avoir découvert le haut du nid, ils virent, au fond de la cavité, un grand nombre d’œufs blancs, d’une forme ovale allongée, tous rangés la pointe en bas et séparés de trois lignes les uns des autres. Un des œufs était ouvert, et l’on apercevait, grelottant à l’intérieur, un petit oisillon couvert de plumes avec un peu de duvet.

À la vue de ce « nouveau-né », Ruth éprouva un sentiment de dégoût, et ne demanda plus qu’on le lui confiât pour l’élever.

Malgré le désir que les voyageurs auraient eu de faire une omelette avec les œufs du télégalle ils abandonnèrent cette idée car ces œufs étaient près d’éclore. Le télégalle rôti fut trouvé exquis, et d’ailleurs l’excellent appétit de tous les jeunes gens et des autres eût fait manger des semelles de bottes, à plus forte raison un oiseau rare et de la famille des dindons.

« Demain matin, observa Arthur, nous nous dirigerons vers les montagnes verdoyantes que nous voyons là-bas, et tout me fait espérer que nous arriverons dans un pays plus agréable que celui-ci. Ah ! si nous rencontrions un courant d’eau se dirigeant du côté du sud nous pourrions continuer notre voyage en canot. Je commence à croire que nous avons dépassé la zone du nord de l’Australie, et que nous nous trouvons dans celle du midi.

— Je voudrais bien qu’il en fût comme vous le désirez, observa Wilkins ; mon avis est que nous arrivons en plein dans la région occupée par les coureurs des bois, et, en suivant cette route, nous tomberons infailliblement sur un de leurs campements. »

L’aspect des montagnes verdoyantes réjouit tellement le cœur des voyageurs, qu’ils s’offrirent du thé à leur repas, quoique la provision d’eau fût presque épuisée. Ils s’avancèrent alors gaiement sous des bosquets de stenochylus, couverts de fleurs rubescentes ; sous des touffes de boronias, au feuillage éclatant strié de fleurs lilas. Les oiseaux chantaient dans les arbres et charmaient la solitude, et leur brillant plumage illustrait le paysage pittoresque de ces parages.

Les voyageurs parvinrent au sommet d’une montagne qui offrait de grandes difficultés d’ascension : le vent qui soufflait, leur apportant des senteurs balsamiques, leur promettait un séjour fort agréable dans ce nouveau territoire. Le coup d’œil était féerique ; car des deux côtés de la montagne s’ouvraient des vallées bordées de forêts superbes, étagées sur des collines à la cime desquelles on apercevait des roches dénudées ressemblant à des ruines de châteaux.