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VOYAGE

vision de solanées et d’avoine était, épuisée, le désespoir entra dans tous les cœurs et Jack suggéra la pensée d’attenter à la vie des poules de sa sœur pour suffire à la nourriture de tous.

Ruth avait non seulement trois superbes volailles dans son panier, mais encore six poulets d’assez belle venue et bons à manger. On décida donc que deux de ces excellents oiseaux seraient immolés, ce qui allégerait la charge de la pauvre fille et augmenterait la part de grain des autres.

La sœur de Jack se lamenta comme si on lui avait coupé un bras ou une jambe, ce qui n’empêcha pas les voyageurs d’accomplir le sacrifice, sacrifice qui se renouvela deux fois encore, pendant les deux jours suivants. Il ne restait plus que les trois poules, et la provision d’eau, comme celle de pommes de terre et d’avoine, était épuisée.

La famine était dans le camp, et quand on reprit la marche, chacun avait le désespoir au fond du cœur.

De temps à autre on apercevait un émeu bondir dans le lointain ; mais nul parmi les jeunes gens ne se sentait la force de se mettre à sa poursuite. Arthur essayait vainement de rendre le courage à ces âmes abattues.

« Luttons encore contre notre mauvaise fortune, disait-il ; voyez là-haut cette haie de roseaux ; je pense qu’il y a de l’eau en cet endroit. Viens, ami Jack, allons en avant, et si nous trouvons ce qui est indispensable à nos parents, à nos amis, nous retournerons bien vite pour leur rapporter des secours. »

Emportant avec eux tous les récipients vides, sans oublier les armes en cas de besoin, les deux jeunes gens se dirigèrent vers les grands roseaux, derrière lesquels, après s’être taillé une route, ils ne trouvèrent que le lit d’un courant d’eau, plein de boue humide, mais sans aucune cavité remplie du précieux liquide.

« Remontons le long de cette tranchée, dit Arthur à Jack, peut-être rencontrerons-nous ce que nous cherchons. Mais que vois-je ? des pas d’homme. On a déjà passé par ici.

— C’est vrai, répliqua le frère de Ruth. Ceux qui ont laissé les traces de leurs pieds sur cette terre molle portaient des bottes ce ne sont pas des sauvages ; plaise à Dieu que ce ne soit pas pis encore ! Voyez, monsieur Arthur, les pas se dirigent en remontant. Allons-nous les suivre ?

– Certainement, car il nous faut de l’eau à tout prix sinon, c’est la mort. D’ailleurs, mieux vaut suivre de prétendus ennemis que d’être suivis par eux. Ah ! j’aperçois de l’eau ! Dieu soit loué ! Buvons vite, et hâtons nous de rapporter à ceux que nous aimons la vie et le soulagement à leurs maux. »

Les deux jeunes gens burent à plein gosier et baignèrent leurs visages brûlants dans l’eau salutaire ; cela fait, ils remplirent leurs vases et rejoignirent au plus vite Max Mayburn, Marguerite et les autres. Lorsque tout le monde eut étanché sa soif, on parla des traces que l’on avait découvertes dans la fange du torrent.

« Il faut que je voie cela de mes propres yeux, répliqua Wilkins ; si ces