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AU PAYS DES KANGAROUS

que nous n’en voudrons. Donnez-moi un seau, je vais en puiser sans m’exposer comme vous alliez le faire. »

En effet, l’on apercevait un filet d’eau serpenter comme une anguille dans le fossé profond, puis, derrière, une masse énorme entraînant avec elle des arbres, des buissons, des lianes, et remplissant la tranchée naturelle, débordant même dans la plaine.

À peine le convict eut-il le temps de puiser un seau d’eau avant le passage de cette cataracte, de ce « mascaret » inattendu.

Dix minutes après cet incident, l’eau coulait calme, et unie dans le lit naturel qui serpentait à travers le désert australien.

Les pauvres voyageurs, mourant de soif, purent se désaltérer à leur convenance et remercier Dieu, qui était doublement venu à leur secours en leur apportant ce rafraîchissement inespéré, et en plaçant ainsi un obstacle infranchissable entre eux et leurs cruels ennemis.

Black Peter, — car c’était encore lui, — ordonna bien aux plus adroits de sa bande de jeter une grêle de flèches et de zagaies sur les naufragés du Golden-Fairy mais, comme le lit de la rivière avait environ trente mètres de largeur et que le vent soufflait assez violemment, les armes des indigènes n’atteignirent pas leur but.

Les voyageurs, réconfortés et soulagés au delà de leurs espérances, ne perdirent pas un moment pour s’éloigner, et quelques heures après ils disparaissaient aux yeux des noirs et de leur indomptable chef le maudit convict.

« Je suis certain qu’il leur est impossible de traverser le courant d’eau mais je me demande, dit Arthur, quelle raison a engagé ces moricauds à descendre des montagnes jusqu’ici.

— Peut-être n’ont-ils pas trouvé les « coureurs des bois » qu’ils cherchaient, répliqua Wilkins, ou bien, nous ayant aperçus de loin, ont-ils cru pouvoir nous surprendre, sans deviner quel secours sans pareil nous serait apporté par la crue subite de la rivière. Nul d’entre ces mal blanchis ne sait nager, sauf Peter, et il n’a pas osé se jeter seul à l’eau, surtout avec son bras cassé. Allons ! quoi qu’il en soit, les voilà arrêtés pour longtemps.

— Grâce à Dieu ! fit Max Mayburn ; et c’est lui qui, comme à la mer Rouge, a fait un miracle en notre faveur. Que son nom soit loué !

« Reprenons courage pour affronter encore les difficultés que nous aurons à surmonter. Je crois que maintenant nous pouvons sans crainte prendre notre repas et nous coucher de notre mieux, afin de retrouver nos forces. »

Les plus forts de la petite troupe avaient déjà fait ample provision d’eau et tous les récipients étaient pleins ; on alluma rapidement du feu, sur lequel Jenny prépara du thé et des pommes de terre ; puis, le souper terminé, chacun s’étendit pour se livrer au sommeil.

Au lever du soleil, les voyageurs reprirent leur marche avec une ardeur nouvelle : seulement, ce qui les tourmentait, c’était de ne pouvoir se servir du traîneau, eu égard aux difficultés du terrain ; mais lorsqu’à la halte du soir Jenny Wilson apprit aux jeunes gens et à Max Mayburn que la pro-