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VOYAGE

Tandis que la caravane s’éloignait, le chef noir restait immobile, la suivant des yeux. Il se décida enfin à retourner dans sa tribu.

« Attaquons donc les wombats, » dit une demi-heure après Gérald, qui examinait en passant les gueules de tous les terriers.

Arthur fit observer à son impatient ami que ces animaux ne sortiraient pas en entendant du bruit, et que, comme il fallait se mettre à l’affût, on n’avait pas de temps à perdre de cette manière.

On continua donc la route en suivant le ruisseau, qui se divisait souvent en différentes branches qu’il fallait franchir. Tout en cheminant, les voyageurs coupaient des cucumis et les mangeaient avec plaisir. À un moment donné, on aperçut la fumée dans la direction d’un étang où se jetait le ruisseau. Aussi, voulant éviter la rencontre d’une nouvelle tribu qui aurait pu ne pas être aussi hospitalière que celle qu’ils venaient de quitter, les voyageurs s’avancèrent plus au sud.

La nuit vint ; on fut forcé de s’arrêter dans un endroit où il n’y avait pas la moindre source, et l’on éprouva le regret de n’avoir pas emporté une provision d’eau. Les galettes et les melons composèrent le repas des voyageurs, qui s’endormirent sur le sol dénudé, après avoir adressé à Dieu une fervente prière.

Quelques heures après, Arthur fut réveillé par un cri strident. Il se hâta de prendre son fusil et pria Jack de l’accompagner. La lune brillait, par bonheur, et l’on pouvait voir à une grande distance tout autour du camp. Les deux amis remarquèrent alors quelque chose qui se débattait à cent pas environ de l’endroit où ils se trouvaient. Puis O’Brien, car c’était lui, se mit à crier :

« Arthur ! au secours ! viens me délivrer de ces méchantes bêtes qui veulent me défigurer. »

En effet, on voyait distinctement la tête de Gérald, lequel était tombé dans un trou et se débattait pour en sortir. Autour de lui s’ébattaient d’énormes animaux ayant la forme d’un ours et le mufle d’un hérisson, qui, surpris par le trop audacieux chasseur, l’attaquaient pour lui faire quitter les parages de leur domicile souterrain.

Jack lança une flèche sur un des wombats, qui fut percé d’outre en outre, et aussitôt les autres fuirent de tous côtés et disparurent dans leurs terriers.

Il va sans dire qu’Arthur reprocha vivement à O’Brien l’imprudence qu’il avait commise, et qu’il l’aida à sortir du trou où il était tombé. Le chasseur raconta qu’il s’était réveillé, qu’il avait vu un wombat près de lui, et qu’ayant voulu le poursuivre, il avait disparu dans un énorme gouffre, celui où on l’avait retrouvé.

L’animal tué par Jack était de la taille d’un mouton on l’écorcha, et l’on mit aussitôt sa fourrure à sécher. Quand le jour vint, les voyageurs purent apercevoir à très peu de distance de leur camp de nombreux wombats, qui broutaient les herbes et les racines des plantes.

Wilkins déclara que la chair de ces animaux était excellente et même fort délicate ; mais, comme l’eau manquait, personne ne songea à se nourrir de viande.