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AU PAYS DES KANGAROUS

— Je conviens que nos compatriotes ont eu tort, ma chère enfant ; il faudra bien du temps pour que le mal soit réparé. Montrons d’abord à ces noirs ce que c’est que la prière. »

Et, sur l’ordre du vieillard, tous les voyageurs se mirent à genoux, contemplés par les sauvages, qui gardaient le silence et s’étonnaient de voir Baldabella et Nakina parler en « répons » avec Max Mayburn et ses enfants.

Lorsque l’oraison du soir fut achevée, les femmes sauvages s’adressèrent avec curiosité à Baldabella, qui, au grand plaisir de Marguerite répondit à toutes les questions de ses compatriotes.

Quoique les voyageurs eussent cru prudent de monter la garde chacun à son tour, leur sommeil ne fut pas interrompu, car les noirs étaient réellement très inoffensifs. Baldabella leur avait sans doute raconté les victoires remportées forcément sur les tribus du nord.

L’interlocuteur de Baldabella lui répondit que, s’ils n’aimaient pas généralement les visages blancs, c’est que ceux-ci venaient dans leur pays pour y faire la chasse aux mennahs, c’est-à-dire aux kangarous, et aux émeus. Il ajouta qu’il était convaincu de la bonté de ces « visages blancs », à qui ils se feraient un vrai plaisir de montrer leur route à travers les montagnes.

Les voyageurs, fatigués, acceptèrent cette proposition ; car ils s’inquiétaient déjà d’avoir à gravir sans guide des montagnes qui s’opposaient à leur arrivée vers le sud de l’Australie. Dès que l’aube parut, ils appelèrent les femmes, à qui ils offrirent des galettes et une paire de poules, dont Baldabella expliqua la grande utilité, en enseignant aux sauvages leurs mœurs, leurs habitudes et leur manière de se nourrir.

Puis on se remit en route, en suivant le chef de la tribu, qui montrait le chemin. Après avoir suivi la déclivité des montagnes pendant deux à trois milles, la petite troupe s’engagea dans une gorge qui servait de lit à un torrent dont les eaux venaient du nord et s’écoulaient vers le sud. En suivant ces bords couverts de plantes magnifiques, de fougères géantes et de fleurs aux couleurs éblouissantes, aux senteurs balsamiques, ils finirent par déboucher à l’entrée d’une vaste plaine moins fertile que celle qu’ils venaient de quitter, mais couverte de ces melons cucumis, dont la maturité était parfaite.

Partout, sur la surface du sol, on apercevait des trous semblables à ceux d’une écumoire, et le guide noir leur apprit que c’étaient là les gueules des terriers d’un animal sauvage qu’il nommait le wombat. Les jeunes gens manifestèrent le désir de voir ces bêtes inconnues, et de s’emparer d’un ou deux spécimens de cette espèce.

Les voyageurs ayant demandé au chef noir quelle route ils devraient suivre, celui-ci désigna le sud-ouest ; mais il leur apprit, avec l’interprétation de Baldabella, qu’ils se trouveraient dans un désert où l’eau était rare et souvent introuvable.

Cela dit, on se sépara, et Arthur offrit à ce guide obligeant un des couteaux de table, au grand mécontentement de Jenny, mais à la grande satisfaction du sauvage, qui exprima sa joie par des gambades excentriques.