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VOYAGE

ce vaurien avait été marié à une femme de leur tribu, et qu’après avoir été écorché par une tribu ennemie, il avait été soigné et guéri par un chef. Voilà par quel moyen il avait la peau blanche.

— C’est là une invention de Black Peter, qui a voulu s’imposer en abusant de la crédulité de ces pauvres noirs, dit Max Mayburn.

— Les voilà partis, dit à ce moment Wilkins, qui guettait les mouvements des sauvages. Il n’en reste plus un seul. Je pense qu’ils ne sont pas fâchés de s’en aller. Nous sommes débarrassés de Black Peter pour un certain temps. Je crois que nous ferons bien de partir avant que ces « mal blanchis » aient eu le temps de se concerter. Je suis certain que Mademoiselle pense comme moi.

— En effet, répliqua Marguerite. Je crois que nous devons profiter de ce moment opportun pour nous éloigner ; car sans cela nous aurions la mauvaise chance de voir revenir ce misérable pour nous attaquer encore.

— Moi je suis prêt, fit Gérald, qui fixait sur ses épaules un sac contenant sa part des bagages, et fourrait dans une de ses poches une poire à poudre bien remplie, et dans l’autre un sac de balles. Nous ferons bien d’aller aussi vite que nous le pourrons. Regarde, Arthur, ne suis-je pas bien chargé ?

— Certes oui ! je crois même que tu portes trop, observa le fils aîné de Max Mayburn. Mais que chacun suive ton exemple et prenne sur son dos ce qu’il pourra. Je t’engage à ne pas oublier ton arc, qui te servira de bâton pour t’appuyer en marchant. Allons, hisse ! grimpe à l’échelle. »

Hugues prit également une forte charge mais, au lieu d’un arc, il emportait son fusil. Ruth se refusa à abandonner ses poules : on lui confia même un grand sac de pommes de terre. Marguerite, Jenny et Baldabella emportèrent les galettes d’avoine et le reste des pommes de terre, et Nakina se glissa sur les épaules de sa mère.

Max Mayburn prit pour fardeau les coquillages et les récipients à eau qui constituaient le « ménage » des voyageurs. Arthur, Wilkins et Jack emportèrent le reste des effets et des armes défensives.

Les voyageurs se mirent aussitôt en marche en tournant le dos à la forêt qui servait d’asile aux sauvages. Ils s’avançaient d’un pied léger, sans paraître faire attention à leurs charges, et ils pressèrent le pas pendant deux heures, sans s’arrêter, en remontant vers le nord.

Le pays était uni, mais très fertile ; la température se montrait favorable, car le soleil était obscurci par des nuages, quoique la pluie ne tombât pas. Les naufragés du Golden-Fairy ralentirent enfin leur marche, sans s’arrêter toutefois avant la chute du jour. À ce moment-là, chacun demanda à s’arrêter pour manger et se reposer.

On fit halte au milieu d’un buisson d’arbres à thé et d’autres broussailles, et les jeunes gens, ayant déblayé un endroit pour y faire du feu, creusèrent avec leurs haches des niches pour s’y coucher.

Le souper fut très maigre, car il se composa seulement d’infusion de thé dans laquelle chacun trempa une galette d’avoine. Il est vrai que ce repas était embelli par un concert auquel prenaient part l’oiseau moqueur, la pie-orgue et des palmipèdes dont les voix ressemblent fort à celle du courlis.