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AU PAYS DES KANGAROUS

vous m’abandonnez ici, il m’arrivera malheur. Voyons, Jack, dis comme moi. N’est-ce pas que nous suivrons M. Mayburn et sa famille ? »

Le jeune homme allait répondre, quand miss Marguerite répliqua à Ruth.

« Si nous nous rendions seulement sur le continent anglais, nous vous emmènerions tous les deux ; mais vous ignorez que, pour entreprendre le long voyage projeté, il faut beaucoup d’argent. Le passage seul à bord des navires est d’un prix exorbitant. D’autre part, le pays vers lequel nous nous dirigeons est placé sous une zone terriblement chaude, et je crains bien, ma pauvre Ruth, que ton service ne soit pas là-bas plus satisfaisant qu’ici.

— Pardon, Mademoiselle, répliqua Jack, il me vient une idée. Voudriez-vous me dire le nom du navire à bord duquel vous allez vous embarquer ? Je prierai mon maître de me donner un certificat de bonne conduite, que j’irai présenter au capitaine du paquebot en lui demandant de payer mon passage et celui de ma sœur par mon travail à bord. Voyons, cela est convenu. Nous ne nous quitterons point. Une fois parvenus, là-bas, nous saurons bien vous être utiles, à vous et à M. Mayburn. »

Marguerite et ses frères se sentirent émus en entendant exprimer ces bons sentiments, et, quoique la fille de M. Mayburn comprit bien que Ruth ne remplirait jamais les conditions d’une bonne domestique, elle promit aux deux orphelins de faire part de leur intention à son père.

En revenant au logis, Marguerite et Arthur s’entretinrent du projet de Jack, et se dirent qu’il était en effet réalisable. Arthur était d’avis que, quand on arriverait à Calcutta, Jack lui serait d’une grande utilité, et qu’il pourrait là-bas, tout aussi bien qu’en Angleterre, gagner sa vie et celle de sa sœur.

« Oui, certainement, ajouta Hugues, mon avis est que ce brave garçon sera pour nous un excellent compagnon de voyage. Je suis sûr que papa consentira à ce projet, car Jack se mettra à ses ordres pour grimper aux arbres et prendre les œufs dans les nids. Qui plus est, ce brave garçon est d’une adresse telle, qu’il nous serait d’un immense secours si la Providence nous conduisait jamais dans une île déserte.

— Plaise à Dieu que nous ne nous trouvions jamais en pareille occurrence ajouta Arthur. Quoi qu’il en soit, je souhaite vivement que Jack soit des nôtres. Je n’en dirais pas autant de Ruth ; mais nous ne pouvons pas songer à séparer le frère et la sœur. Et pourtant, quand nous serons à bord, si elle vient avec nous, je craindrai toujours que, par sa faute, le navire n’éprouve une avarie et ne fasse naufrage. »

Sur ces paroles, Gérald O’Brien, qui avait rejoint ses amis et avait entendu leur conversation, les supplia de ne point songer à laisser Ruth à Wendon.

« Ses étourderies nous amuseront en route, fit-il. Sans compter celles que tu ajouteras aux siennes, répliqua Hugues. N’importe, Marguerite, tâche d’influencer notre père ; car il dira oui si tu l’y engages. Je vais aller cajoler Jenny Wilson pour qu’elle ne détourne pas son maître de la résolution qu’il aura prise après avoir causé avec toi. »

C’est ainsi qu’il fut décidé que Jack et Ruth seraient du voyage que la famille Mayburn allait entreprendre.

Il va sans dire que le chef de la famille consentit à ce que désiraient ses enfants, et que Jenny Wilson n’y trouva rien à redire.